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siège de plusieurs jours contre une armée et une flotte nombreuses. En 1840 et 1841, une nouvelle révolte éclate aux portes mêmes de Rio-Janeiro, et pendant plus d’une année la province centrale de Minas-Geraës, la clé de voûte de l’empire, reste au pouvoir des insurgés. Plus tard, de nouveaux troubles se succèdent dans les provinces d’Alagoas, de Maranhaõ; enfin l’année 1848 ne s’écoule pas sans que le Brésil n’ait sa petite révolution dans la ville de Pernambuco. Depuis cette époque, une paix inviolée règne sur toute l’étendue de l’empire, et les paquebots venus du Brésil n’apportent que le cours du change et du café, quelques échos affaiblis des discussions des chambres, ou tout au plus la nouvelle de quelque changement pacifique de ministère.

Cependant, quand on étudie les raisons secrètes des guerres et des révolutions successives qui ont longtemps entravé les progrès de l’empire brésilien, on s’aperçoit que les grandes causes de désordre qui agissaient avant 1848 n’ont pas cessé d’exister. L’une de ces causes, toute politique, est l’antagonisme des intérêts provinciaux. On comprend en effet que l’entente cordiale entre les populations diverses soit difficile dans cet immense Brésil, qui d’un côté dépasse l’équateur, de l’autre plonge à une grande distance dans la zone tempérée, et se perd à l’ouest dans les forêts inexplorées des Andes, tandis qu’à l’orient ses côtes offrent sur l’Atlantique plus de 2,000 kilomètres de développement. Tel ordre émané du gouvernement emploie près d’une année pour atteindre les frontières; aussi toute centralisation administrative devient facilement une insupportable tyrannie aux extrémités du territoire brésilien, et tout naturellement les provinces éloignées de la capitale cherchent à s’y soustraire en adoptant le système de la fédération. C’est là ce qu’essayèrent inutilement d’accomplir les révolutionnaires du Rio-Grande-do-Sul et de Minas-Geraës. C’est là ce que désire encore la ville remuante de Pernambuco, surveillée avec tant d’anxiété par le gouvernement[1]. Pour éviter le retour de convulsions semblables à celles qui bouleversaient autrefois l’empire, le pouvoir central a soin de ne pas trop s’ingérer dans l’administration particulière des provinces et des communes; mais on peut douter que cette politique prudente suffise à elle seule pour résoudre en une paix générale l’antagonisme des Brésiliens de l’est et de l’ouest, du nord et du midi, et l’on se demande si la réconciliation des diverses provinces n’est pas due bien plus à leur solidarité en présence d’un même danger qu’à toutes les précautions du gouvernement. L’esclavage, cette plaie qui ronge

  1. La rapidité singulière avec laquelle se succèdent les présidens de la province de Pernambuco est un signe de cette sollicitude. Du mois de novembre 1858 au mois de juin 1859, c’est-à-dire en six mois, cinq personnages envoyés de Rio-Janeiro ont tour à tour occupé le siège présidentiel de Pernambuco.