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sesse. Que la stérilité de cette union vînt d’elle, qu’elle vînt au contraire du dédain ou de l’impuissance d’Honorius, peu importait à la méchanceté publique : on en fit un crime à Stilicon. On prétendit que Sérène, pour faciliter à son fils l’accès de ce trône qu’elle convoitait tant, avait administré à son gendre un breuvage vénéneux qui avait éteint en lui les sources de la virilité. A une époque où la croyance aux sortilèges et aux philtres était générale, où la loi même, en prononçant contre les opérations magiques et les enchantemens des peines d’une extrême rigueur, semblait en attester la réalité, un pareil bruit, accueilli par les indifférens comme possible, devint assuré pour les ennemis. D’autres, sans nier le fait, essayèrent d’en donner une explication qui écartait faiblement l’idée d’un crime.

Maintenant qu’on ne croit plus aux philtres, quand on pèse impartialement toutes les hypothèses possibles, et qu’on fouille les replis les plus cachés du cœur humain, on se demande si Stilicon et Sérène n’avaient pas donné par leur attitude quelque matière à la calomnie ; si, voyant la race directe de Théodose frappée de caducité dans ce jeune homme débile ils ne s’étaient pas dit qu’il fallait se préparer à l’événement et le faire tourner au profit de leur fils. Entre un tel calcul, s’il exista, et une conspiration politique ou un attentat odieux sur le prince, la différence est trop grande pour que l’histoire soit obligée d’y insister. Les historiens polythéistes, si contraires qu’ils soient au régent, et il y en a certes de bien opposés, n’admettent ni l’imputation de complot, ni celle d’attentat prémédité à la personne d’Honorius. Il faut y voir surtout l’œuvre du parti chrétien.

Placidie sans doute suivait d’un œil satisfait les déchiremens domestiques qui justifiaient son refus d’épouser Euchérius, ou le fortifiaient du moins. Plus Sérène s’obstinait à lui imposer ce mariage, plus la sœur d’Honorius mettait son devoir à le repousser. On avait eu beau annoncer le futur hymen par toutes les voix de la renommée, la traîner en personne devant le char de son frère, comme une victime condamnée aux fiançailles, la montrer enfin, dans les poétiques tableaux de Claudien, parée du flammeum et livrant son front pudique aux baisers d’Euchérius : elle restait inébranlable, et appelait à l’aide de ses répugnances personnelles l’exaltation de ses sentimens catholiques. Cet état d’opposition dans la famille de son tuteur put mettre en évidence la mâle énergie de son caractère, tandis que l’âge développait en elle une beauté qui devait un jour mettre à ses pieds le monde barbare comme le monde romain. Catholique enthousiaste à l’égal de son père, fière du nom de Théodose et ambitieuse de régner par elle-même, elle sentait que le sceptre tiendrait mal dans les mains du faible Honorius, et s’apprêtait peut-être à le ramasser bientôt. Elle n’avait pas encore dix-