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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/485

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Ni le papier n’est assez sûr
Pour ne pas trahir le poète ;

Ni le flot qui monte assez prompt
Pour couvrir la trace imprimée,
Ni le sommeil assez profond,
Ni la tombe assez bien fermée !

IV. — SONNET.

La nature a pour moi le charme de l’enfance :
Elle en a la fraîcheur et la sérénité.
Ainsi que l’être jeune, elle n’est que bonté ;
Ainsi que l’être faible, elle a Dieu pour défense !

Le plus méchant lui doit des retours d’innocence,
Et le plus malheureux des réveils de gaîté.
Elle apporte le calme à mon cœur irrité,
Et, même sans la voir, il suffit que j’y pense !

— Songe à l’enfant, disait le poète païen :
De tes mœurs en péril respecte le gardien ;
Rougis en contemplant la chaste créature !

— Et moi, quand l’oiseau chante au faîte du buisson,
Quand murmure la source ou jaunit la moisson.
Je dis : Sois pur, mon cœur ! respecte la nature !

V. — L’AVEUGLE.

Sur un des ponts de la cité,
Où coule à flots la foule active,
Est assis, hiver comme été,
Un vieillard à mine chétive.

Je l’aperçois sur mon chemin
Par le vent, la pluie ou la neige :
Un flageolet est dans sa main ;
Un auvent de cuir le protége.

Il est aveugle : son regard,
Scellé sous ses paupières closes,
N’a plus même rien de hagard
À promener sur toutes choses.

Son âme est, comme en un tombeau,
Dans des profondeurs enfouie ;