l’œuvre qu’il a entreprise. Pour le moment, il n’a la faveur ni de la chambre des communes, ni du peuple anglais. Il y a dans la politique de M. Cobden une inconséquence qui fait tort à ses efforts. M. Cobden ne veut pas tenir compte de l’influence qu’exerce naturellement sur la sécurité générale la situation de la France, tant que la liberté politique n’y est point en jouissance de toutes ses garanties, tant que le couronnement de l’édifice se fait attendre. M. Cobden nous a apporté les premières semences de la liberté commerciale ; mais il eût mis plus sûrement un frein aux prodigalités de la politique militaire, s’il eût eu moins de dédain pour les destinées de la liberté en France, s’il eût eu le pouvoir et le bonheur de nous procurer une plus abondante dose de liberté politique.
Chose curieuse ! ce grand effort des arméniens trouble aussi jusqu’à un certain point la paisible et prospère Belgique. Les armemens d’Anvers fournissent un thème d’opposition à une coalition étrange où des libéraux s’unissent à des catholiques. Adversaires partout de ces ruineuses dépenses auxquelles la paix armée condamne l’Europe, nous ne pouvons voir sans déplaisir pour la Belgique les charges qu’une telle situation lui impose. Il semble au premier aspect que les petits états, eux qui n’ont pas de gloriole guerrière, qui n’ont pas la prétention de jouer un rôle décisif dans les luttes des grandes puissances, qui n’aspirent même pas à faire de petites guerres lointaines et qui n’amusent pas leurs loisirs d’une expédition en Chine ou au Mexique, devraient par compensation être exemptés des charges de la paix armée. Un examen plus positif et plus politique de la question démontre pourtant qu’ils ne peuvent pas échapper à la loi commune. Les charges militaires doivent pour eux se proportionner à la volonté qu’ils ont de conserver leur nationalité, leur indépendance, leur autonomie. Il est évident que ces petits états ne peuvent point, dans un grand conflit de guerre européenne, exister par eux-mêmes. Ils ne peuvent trouver la force défensive qui leur manque que dans un système d’alliances. Or, dans la crise prévue, ils ne trouveraient d’alliances et ils n’occuperaient au sein de ces alliances une place qui pût leur assurer le maintien de leur autonomie que tout autant qu’ils y apporteraient un contingent respectable. Telle est la loi par laquelle la Belgique, comme les états de second et de troisième ordre, est nécessairement dominée. La Belgique, dans la mesure même de son patriotisme, est donc obligée par la plus simple prévoyance de participer au regrettable mouvement des armemens européens. Peuple industrieux, accoutumé déjà par une longue pratique à faire lui-même ses affaires, connaissant le prix de l’argent et répugnant aux dépenses improductives, la Belgique, nous le comprenons, est plus sensible aux effets de la stupide manie régnante que ces nations énormes, espèces de Goliaths ayant autant de muscles que peu d’esprit, qui croient la privation de la liberté suffisamment payée par ce nom de grande puissance que l’étiquette européenne décerne à leur force physique. La Belgique a néanmoins dans