Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/605

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chancelier de l’échiquier recevront ensuite, par écrit et sous leur signature, les réponses des membres interrogés. Ainsi le veut le roi. Mon avis est que vous ne courez en ceci aucun danger, tandis qu’en vous opposant à ce mode de procéder, vous vous rendriez suspect d’avoir dit des choses dont vous ne voudriez pas entendre parler. Nul homme ne sera assez fou pour risquer sa tête en disant contre vous quelque mensonge ; car tout le monde sait que je suis vraiment votre ami, et si on ne dit que la vérité, on ne dira que ce que le roi sait déjà et ce que vous avez partout déclaré, c’est-à-dire que vous pensez, comme je le pense moi-même, que la continuation de ces traités avec l’Espagne ne peut nous être que très nuisible. Mon avis est donc que vous ne vous montriez nullement mécontent de la façon de procéder que veut le roi. Je crois qu’au lieu de vous faire aucun mal, ceci mettra sous vos pieds ces quelques pauvres drôles qui sont vos ennemis. Maintenant, mon très cher, si vous croyez que je me trompe, faites-moi savoir ce que je puis faire, de façon ou d’autre, pour te servir, et tu verras ce que tout le monde verra plus clairement chaque jour, que je suis et serai toujours ton fidèle, cordial et constant ami,

« CHARLES. »

Au jour fixé et le conseil réuni, le roi entra dans la salle, tenant la Bible à la main. On remarqua qu’il avait la figure altérée et toutes les apparences d’une santé en déclin. Les membres du conseil prêtèrent le serment demandé, et déclarèrent qu’ils n’avaient aucune connaissance d’aucun des sinistres desseins signalés dans les questions présentées, et qu’ils regardaient le duc de Buckingham comme l’un des plus fidèles sujets et serviteurs du roi. Cet acte une fois accompli et connu, Jacques fit demander aux ambassadeurs espagnols quels étaient les Anglais qui leur avaient donné les informations d’après lesquelles ils avaient agi. Pour toute réponse, le marquis d’Inojosa sollicita une audience particulière que le roi lui refusa en le renvoyant à ses ministres. Le marquis, irrité, annonça qu’il allait quitter Londres et retourner à Madrid en passant par Bruxelles. Jacques, qui avait manifesté l’intention de lui faire don d’un beau diamant, ne lui donna pas même un sauf-conduit pour le mettre, dans la traversée, à l’abri des croiseurs hollandais ; l’ambassadeur fut obligé de recourir au ministre de Hollande en Angleterre pour être assuré qu’il ne serait pas arrêté en mer, et, sans avoir eu même une audience de congé, il s’embarqua à Calais, sur un bâtiment marchand, le cœur plein contre le roi Jacques, le prince Charles, le duc de Buckingham et toute l’Angleterre, d’une rancune qu’il exhala à Bruxelles et à Madrid avec plus de violence que d’effet.

Il avait mal compris la situation d’un ambassadeur dans un pays libre, et mal connu le prince auprès duquel il était accrédité. Il s’était