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mon gendre l’électeur rentre en possession du Palatinat. Je proteste devant Dieu que pas un sou de ce que vous m’avez donné pour cette œuvre ne sera employé à nul autre dessein. La guerre diminuera le revenu de mes douanes et augmentera mes charges ; mais, puisque je l’entreprends, j’en viendrai à bout de manière ou d’autre, dussé-je vendre mes joyaux et tout ce que je possède. Vous verrez, dans la session prochaine, comment auront été employés les moyens que vous me donnez, et cela vous excitera, j’espère, à faire ce qu’il y aura encore à faire. Si j’ai tardé jusqu’ici à m’engager dans cette entreprise, c’est que j’espérais y réussir sans guerre. Il n’a tenu qu’à un cheveu que j’obtinsse, par un traité, la restitution du Palatinat à mes enfans. Puisque je n’y puis compter par cette voie, j’espère qu’en dépit du diable et de tous ses instrumens, Dieu, qui a mis dans vos cœurs de me donner ce conseil et dans le mien de suivre votre conseil, bénira nos efforts, et que je mettrai ma réputation au-dessus de toute calomnie. »

Quand la résolution du roi fut connue, des transports de joie éclatèrent dans Londres et dans tout le pays, presque aussi vifs que le jour où le prince Charles était rentré en Angleterre. Les rues comme les églises furent le théâtre des démonstrations populaires, tour à tour pieuses et désordonnées. Et telle était l’antipathie pour l’Espagne que, le lendemain, le duc de Buckingham fut obligé de dire à la chambre des lords « qu’au milieu des feux de joie et des réjouissances du peuple, quelques-uns des gens de l’ambassadeur d’Espagne avaient été fort maltraités : incident fâcheux qu’il priait la chambre de prendre en considération. » la chambre approuva la motion du duc, et décida, en ordonnant à ce sujet une enquête, que, si on pouvait découvrir les coupables, ils seraient punis conformément à une récente proclamation du roi qui interdisait toute manifestation offensante pour les ambassadeurs étrangers.


VIII

Parmi les conditions du succès dans le gouvernement des peuples, il en est une qui domine toutes les autres : il faut que les hommes en possession du pouvoir soient, par l’esprit et le caractère, à la hauteur des questions qu’ils ont à résoudre et des événemens qu’ils sont chargés de diriger. La supériorité même la plus éclatante ne suffit pas toujours, tant la tâche est grande et compliquée, tant il est difficile d’y voir toujours clair quand on à regarder si loin, et d’échapper au péril que la tête tourne quand on est placé si haut. L’histoire n’a point de plus puissant enseignement que le spectacle des fautes et des chutes des personnages qui font sa gloire ; mais cet enseignement est triste autant que salutaire : c’est un pénible effort