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les mêmes phénomènes d’agitation désordonnée, — partout, excepté au Chili, où un bon sens populaire assez développé a su défendre un peu d’ordre, et au Paraguay, où la vie de claustration prolongée sous le régime du docteur Francia a contenu du moins les instincts de guerre civile. C’est un malheur peut-être inévitable, peut-être inhérent à une émancipation prématurée ; mais enfin c’est la condition fatale de ces républiques que toutes ou presque toutes aient passé par ces épreuves de révolutions et de conflits extérieurs qui s’enchaînent, qui s’engendrent perpétuellement. Le Mexique n’a qu’un privilège, celui de résumer sous une forme plus saisissante et dans un cadre plus étendu ce travail de décomposition inexorablement croissant, à peine interrompu par quelques trêves, et en présence duquel un dictateur rentrant dans son pays, le général Santa-Anna, disait un jour : « Mexicains, nous nous sommes trop laissé dominer par des idées chimériques ; nous avons perdu trop de temps en dissensions intestines. Une triste réalité est venue nous apporter la plus funeste déception. Où en sommes-nous après trente ans d’indépendance ? Jetez un coup d’œil sur la carte de votre patrie, et vous trouverez une grande partie de Votre territoire perdue. Quel est votre crédit au dehors ? Quelle est votre réputation auprès des nations étrangères ?… » Le dictateur mexicain parlait ainsi il y a près de dix ans, avant que la guerre civile, se réveillant de nouveau, n’eût fait passer cette malheureuse république par des alternatives plus terribles encore, à l’issue desquelles elle s’est trouvée en face de l’intervention étrangère.

C’est là en effet l’histoire du Mexique depuis sept ans : la guerre civile est devenue la condition fatale et permanente du pays. On a tant abusé de ces mots de conservateurs, de libéraux, de constitutionnels et même de constitutionnalistes, — expression nouvelle de quelque nuance sans doute inconnue de libéralisme, — que ce serait la plus puérile des erreurs de chercher dans ce mirage une sérieuse réalité politique, le secret des révolutions mexicaines. la vérité est que depuis sept ans le pays est livré à des partis qui occupent alternativement Mexico, sans étendre le plus souvent leur autorité au reste de la république, et que dans ces chocs de factions contraires, sous l’apparence de conflits d’opinions, c’est le règne universel de la dictature errante des chefs de bandes. Un jour, tout à l’origine de la situation actuelle, c’est une insurrection, conduite par un vieil Indien du sud, Alvarez, qui triomphe de Santa-Anna et inaugure une nouvelle ère radicale, démocratique. Un autre jour, c’est la réaction conservatrice qui triomphe à Mexico, qui se personnifie bientôt dans un jeune homme énergique de plus de hardiesse militaire que de sens politique, le général Miguel Miramon, tandis que