Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses appareils pour chauffer l’eau. Il est à observer que plus on s’approche du nord et plus le besoin du comfort intérieur augmente, tandis que le goût de la toilette diminue, au moins pour ce qui regarde les étoffes de luxe et de somptuosité. De tous les objets exposés par la Suède, nul n’a excité autant de surprise que le groupe de bronze et de zinc du sculpteur Molin, de Stockholm. Le sujet est une légende scandinave dont le triste souvenir est, dit-on, également familier aux Suédois, aux Norvégiens et aux Danois. Deux hommes armés de couteaux et liés ensemble par une ceinture, selon la coutume runique, luttent pied à pied, corps à corps, en cherchant à se saisir par la taille et à se renverser l’un l’autre. L’histoire de ce duel au couteau est racontée dans les quatre bas-reliefs qui entourent la base du groupe. D’abord les deux jeunes gens sont assis et en train de boire paisiblement ; une querelle s’élève par suite des familiarités que prend l’un d’entre eux avec la femme de son ami ; celle-ci intervient pour prévenir une funeste rencontre ; enfin nous la retrouvons au dernier bas-relief abîmée dans la douleur et prosternée devant une pierre runique, laquelle ne laisse aucun doute sur les conséquences fatales de la lutte. Cet ouvrage est d’un grand style, d’une férocité d’action inimaginable, et, sans viser particulièrement à la couleur locale, a bien le caractère de sombre poésie qu’on retrouve dans les chants des bardes scandinaves.

Le Danemark, plus positif, nous ramène à l’industrie et aux arts utiles par ses huiles de poisson, ses laines d’Islande, ses chanvres, ses étoffes de crin et sa pulpe de papier faite avec du bois. Les instincts aventureux de cette race maritime se retrouvent dans les peaux d’ours et divers spécimens de l’industrie groënlandaise qui ont été envoyés par les comptoirs du gouvernement établis dans les mers de glace. Le Danemark ne néglige pourtant point la recherche du beau en même temps que de l’utile, si j’en juge par ses ornemens d’architecture domestique, ses figures en biscuit, ses porcelaines et surtout ses bijouteries. On avait d’abord cru que les bracelets et les broches exposés dans le palais de l’industrie avaient été dessinés d’après des modèles étrusques. C’est au contraire une reproduction des anciens arts du Nord. Les types originaux de ces articles de toilette, exécutés en bronze grossier, ont été portés pendant des siècles par les chevaliers scandinaves aux longs cheveux blonds et aux membres vigoureux. Nous trouvons une autre spécialité du luxe danois dans ces cornes à boire dont quelques-unes présentent un intérêt historique. Ces dernières, relevées d’or ou d’argent et chargées de dessins en ivoire, racontent de vieilles légendes, telles que les aventures de Sigurth, le tueur de dragons, et de la belle Brünhild. Les porcelaines ont aussi un caractère national ; au lieu de s’attacher à l’imitation des sujets chinois, elles illustrent les tradi-