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manufactures de Minton, de Copeland, de Worcester et de Rose annoncent hautement l’intention de rivaliser à tout prix avec nos porcelaines de Sèvres. D’autres branches du luxe britannique, — les cristaux, les ameublemens somptueux, les tapis, les glaces, les brocarts, les dentelles et les blondes, — sont aussi représentées avec profusion ; mais si là est l’orgueil de l’Angleterre, ce n’est pas là qu’est sa force. Pour remonter à la racine de son industrie, à la source de ses éblouissantes richesses, qu’on veuille bien jeter un regard sur cette collection de charbons de terre dont elle étale les nombreux spécimens et qui donnent une idée de l’opulence de ses mines. Ce diamant noir, comme l’appellent nos voisins, joue un bien plus grand rôle dans la prospérité du royaume-uni que le fameux Koh-i-noor et les autres diamans de la plus belle eau, lesquels ne sont après tout que des paresseux. La houille travaille, elle engendre la vapeur, et c’est appuyé sur les ressources de ce combustible que l’Anglais est devenu le roi du fer, le roi de l’acier, qu’il a brisé les résistances de la nature, et qu’appliquant aux métaux le pouvoir mécanique, il a ajouté des mains aux mains des ouvriers. Les chimistes et les ingénieurs de la Grande-Bretagne définissent le charbon de terre du soleil en cave[1]. Par une sage compensation de la nature pour un ciel brumeux, le sol de l’Angleterre contient plus de ce soleil en cave que tous les autres pays de l’Europe. Comme l’industrie s’est modelée partout sur les produits de la terre et sur ses trésors géologiques, il est tout naturel que l’Anglais se soit attaché avec une ardeur particulière au fonds social que lui présentait la contrée, au charbon de terre, au fer, au cuivre, au plomb, aux autres métaux qui alimentent les arts utiles. Ici encore la distribution des industries, fondée sur la distribution naturelle des matériaux, rencontre une limite qu’il faut indiquer. Si ces matériaux sont d’un poids léger, rien ne s’oppose à ce qu’ils voyagent et à ce qu’on les retrouve fabriqués à une grande distance de leur origine : c’est ainsi que nous voyons le diamant travaillé à Amsterdam, l’endroit de la terre ou le diamant a le moins de raison d’être, à ne consulter que la nature du sol ; mais si les matériaux sont pesans, les branches d’industrie qui s’y rattachent ne se développent jamais que dans les grands centres d’extraction. Le système du libre échange aura pour effet, si je ne

  1. Stephenson, causant un jour avec son ami Buckland, lui demandait : « Sais-tu ce qui fait mouvoir la locomotive ? Eh bien ! c’est le soleil. » Les physiciens ont en effet découvert que c’est la lumière dont ont été saturées à une époque très ancienne les plantes qui entrent dans la composition de la houille, et dont les propriétés se sont conservées sous les couches de terre, qui se dégage maintenant dans la combustion de ce minéral.