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d’enchaîner trop exclusivement la psychologie aux faits de conscience. Tout à coup l’auteur se ravise : il se demande si les actes vitaux sont véritablement étrangers à la personne morale ; il conjecture qu’en observant bien, on pourrait apercevoir quelques lueurs de conscience dans l’exercice de l’activité organique. Enfin après quelques tâtonnemens l’auteur se décide. Il affirme résolument que les actes vitaux tombent sous la conscience ; que dis-je ? non-seulement les actes vitaux, mais le principe même de la vie.

On est confondu de cette brusque déclaration. Quoi ! vous avez la preuve d’un fait si nouveau, si décisif, et pendant trois cents pages vous en faites mystère à votre lecteur ! Vous l’amusez à chercher ce qui peut être, quand vous savez pertinemment ce qui est ! Vous lui présentez l’animisme comme une hypothèse recommandablé par sa simplicité, et puis cette hypothèse n’en est plus une ; elle est un fait, une donnée immédiate de l’observation ! Cette marche oblique, ces louvoiemens de la démonstration me mettent en défiance. J’oserai vous demander si vous êtes bien sûr de votre fait, car vous n’en paraissez pas toujours très convaincu. La main sur la conscience ; sentez-vous que ce soit votre activité personnelle qui produise dans vos artères la circulation du sang ? Oui, dites-vous ; mais j’hésite à vous prendre au mot, Il y a peut-être ici quelque malentendu. Quand vous parlez de la conscience de la vie, vous entendez sans doute ce fait déjà cité plus haut et sur lequel nous sommes d’accord, je veux dire le sentiment particulier que nous avons de tel ou tel de nos organes, à occasion d’une sensation venant du dehors, d’un mouvement volontaire, d’une lésion interne, ou bien encore ce sentiment général du cours difficile ou aisé, fort ou languissant, de la vie organique. Plusieurs psychologues ont constaté et décrit ce phénomène ; mais ils n’en ont pas conclu que l’âme fût le principe des fonctions vitales. Vous êtes trop exercé à l’analyse ; pour ne pas voir l’énorme différence qu’il y a entre sentir l’état particulier d’un organe et l’état général de l’organisme, ce qui est le point accordé, et d’un autre côté produire la vie organique, et avoir conscience qu’on l’a produite, ce qu’il s »agit pour vous d’établir. Le premier de ces faits, sentir la vie, est un fait passif ; le second, produire la vie, est un fait actif au suprême degré. Quoi ! vraiment, vous avez conscience de produire la circulation du sang ! Cette affirmation est étrange. Il a fallu des siècles à la physiologie avant de découvrir ce grand et capital phénomène. Aristote, Galien l’ont ignoré. Et quand Michel Servet l’eut décrit en partie, quand Harvey l’eut établi par des expériences précises, que de peine on eut à persuader aux hommes que le sang circule dans leurs veines ? Or, si l’on en croit le nouvel animisme, l’acte qui fait circuler le sang est un acte que chaque homme