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battre un lazzarone, il pourra se contenter de courber les épaules et s’éloigner ; mais si vous l’appelez Autrichien, il répondra infailliblement par un coup de couteau. Il y a deux ans, il n’aurait pas compris. Quand le manifeste des évêques engageant le pape à ne point céder aux vœux de l’Italie fut connu à Naples, ce fut, parmi le peuple, une explosion de colère et aussi de douleur. Un pêcheur de Capri me disait : « Pourquoi le pape est-il notre adversaire ? Puisqu’il est catholique et Italien, il devrait nous aimer et nous aider ; ne sommes-nous pas aussi Italiens et catholiques ? »

Il est un fait à signaler, car il a son importance. Parmi les brigands qui ont été saisis les armes à la main, soit dans les provinces éloignées, soit aux environs du Vésuve et de Castellamare, on n’a jamais trouvé un seul homme du peuple de Naples, et cependant, directement placés sous les largesses royales, c’étaient les popolani de Naples, ceux mêmes que le roi appelait ses bons amis et ses enfans, qui auraient dû se joindre aux bandes qui invoquent son nom pour détrousser les voyageurs, rançonner les fermiers et arrêter les diligences.

On a beaucoup parlé du brigandage, et, comme un certain parti s’en est fait une arme pour blesser le gouvernement nouveau, on l’a singulièrement exagéré. Sans entrer ici dans des détails circonstanciés et qui n’auraient rien de nouveau, il est bon cependant de dire quelques mots de ces fameuses bandes qu’on a osé comparer aux années vendéennes, oubliant que la Vendée a eu jusqu’à soixante mille soldats sous les armes, et que les bourbonniens, pour leur donner le nom qu’ils revendiquent, en réunissant tous leurs groupes, toutes leurs guérillas, n’ont jamais compté quinze cents hommes, et cela au plus mauvais moment, à l’époque du licenciement de l’armée napolitaine.

L’ancien royaume des Deux-Siciles a du reste été de tout temps la patrie traditionnelle des brigands ; le pays, séparé en petites contrées que divisent des montagnes parfois inaccessibles, semble fait exprès pour donner asile aux bandits, que l’absence de routés protège contre toute atteinte. Ceux qui refusent l’impôt ou le service militaire, ceux qui ont eu un malheur et que la justice poursuit, ont vite fait de se jeter dans la montagne, où la forêt leur sert de refuge ; ils lèvent des contributions sur les habitations voisines et vivent tant bien que mal sans être déshonorés par leur atroce métier, qui, dans les mœurs singulières et toutes païennes des habitans, est une industrie comme une autre. Sans parler du brigandage qui désola l’Italie méridionale sous les règnes de Joseph et de Murât, brigandage qui s’abritait, comme aujourd’hui, sous des prétextes politiques, et qui fut si vigoureusement comprimé par le général Manhès, que les Calabrais nomment maintenant santo Manhès, on peut dire en toute