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et opiniâtres, qu’il conviendrait au roi de produire sa défense ? Où seraient les témoins pour démentir ou confirmer ses paroles ? et comment la vérité se ferait-elle jour à travers les ténèbres amassées par tant de calomnies ? Il a proposé une grande réunion des souverains du monde et des princes de l’église dans une contrée voisine de la sienne, une réunion où la Bohême pourrait parler, où la vérité serait visible à tous, où les choses crieraient d’elles-mêmes. C’était la lumière qu’il appelait ; le pape n’en a point voulu. Cette lumière dont on ne veut pas, cette vérité qu’on repousse à Rome, la voici. Le royal accusé reprend alors en quelques mots l’histoire de sa vie et de son gouvernement. Il expose et maintient le droit public de la Bohême, fondé à jamais sur les décrets du concile de Bâle. Il ose dire enfin que la manière dont il a pacifié cette Bohême indisciplinable, après trente ans de révolutions et de guerres civiles, pourrait servir d’exemple aux autres royaumes de l’Europe. Et devant qui se rend-il un si fier témoignage ? Devant les princes ses voisins, devant les rois, les ducs, les margraves, qui l’ont vu naître et grandir, qui l’ont initié à leurs propres affaires, qui l’ont pris pour arbitre, qui ont échangé leurs enfans avec les siens, devant des hommes qui l’ont vu à l’œuvre, et qui, s’il trahissait la vérité, se lèveraient pour le confondre.

Ils se lèvent, ces princes de l’empire, et tous, excepté l’empereur, qui lui doit le plus, tous viennent solennellement confirmer ses paroles. Le manifeste de Grégoire de Heimbourg, cette œuvre supérieure au génie de l’époque, comme dit l’historien du droit impérial, était un appel irrésistible à la conscience publique. Les princes, sans s’inquiéter de l’anathème du pape, répondirent à ce cri de l’âme avec une loyauté hardie. « Il a rétabli l’ordre en Bohême, disait le duc Louis de Bavière, et nous a aidé nous-même à pacifier nos états, à augmenter nos revenus, à diminuer le nombre de nos troupes. » Le prince-électeur, archevêque de Cologne, et son frère le comte palatin, ce Frédéric le Victorieux, qui avait battu la moitié de l’Allemagne, s’empressent aussi de glorifier les services du roi George dans une adresse qu’ils signent tous les deux et qu’ils envoient à Rome. » Prenez garde, écrivaient à Paul II les ducs Albert et Guillaume de Saxe, prenez garde de réveiller la férocité bohémienne, si heureusement domptée par la ferme sagesse et la haute humanité du roi. » Le margrave de Brandebourg ne donne pas seulement au pape un avis respectueux, il lui adresse une plainte qui est une protestation. Il a consulté des légistes hommes de vaste science et de raison profonde, il a conféré longuement avec eux sur