jour de tous les points du royaume, il importait de rassurer les esprits. Ces prisonniers montrés au peuple de Prague, le roi les renvoya dans leurs foyers, comme autant de témoins qui devaient attester à la fois et la magnanimité du fils des ténèbres et la force confiante du roi dépossédé.
Pendant que la guerre civile mettait le pays en feu, une armée de prédicateurs populaires, lancée par les légats pontificaux, s’efforçait de soulever l’Allemagne contre la Bohême. La confusion était si grande dans les contrées germaniques que, malgré les sympathies des princes de l’empire pour le roi George, on vit s’organiser une espèce de croisade, croisade grossière, impie, où se déchaînaient les plus mauvaises passions. « Ces croisés, dit un contemporain, portaient une croix en drap rouge cousue par-dessus leurs vêtemens. Ils n’avaient d’autre solde que le pillage. Dans leur fureur contre la sainte coupe, ils tuaient indistinctement tous les Bohémiens qui se trouvaient sur leur passage ; les enfans eux-mêmes n’échappaient pas à la rage de ces forcenés. Innocentes créatures ! ces soldats de la croix les massacraient, et se jetaient en jouant leurs têtes coupées comme des pommes de choux[1]. Ils égorgeaient aussi les vieillards et les femmes en couche dans les hôpitaux puis ils exprimaient le sang de leurs victimes et s’y lavaient les mains, persuadés que cette ablution effaçait tous leurs péchés. C’était le pape avec ses bulles qui les avait poussés à ces actes sauvages en leur ordonnant de se baigner dans le sang des Bohémiens. Ils croyaient fermement qu’il suffisait de tuer un Tchèque et de se laver avec son sang pour devenir tout à coup aussi pur devant Dieu que l’enfant qui vient de naître. Quiconque mourait dans la bataille après avoir tué un ennemi était sûr d’entrer au paradis sans traverser le purgatoire. Aussi, dès qu’un Bohémien était frappé de mort, voyait-on les croisés se précipiter sur lui pour recueillir le sang de ses blessures. Ils étaient souvent quatre ou cinq acharnés sur un cadavre et se laissaient massacrer par nous plutôt que de manquer leurs ablutions infernales. Évitant de se battre en soldats, ils se glissaient ténébreusement dans les hameaux, et c’était sur des enfans, des femmes, des vieillards qu’ils essayaient leur courage. Malheur au paysan attardé qui n’avait pas rejoint avant la nuit le camp de ses camarades ou l’asile retranché du cimetière ! les fanatiques le guettaient dans l’ombre, impatiens de se frotter le corps avec le sang de ses veines. Mais qu’ont-ils fait de plein jour et sur les champs de bataille ? Où sont les burgs qu’ils ont escaladés, les villes qu’ils ont prises ? »
Quand on a déchaîné les fureurs du fanatisme, sait-on bien où
- ↑ Denen sie die Köpfe abschnitten und diese dann einander wie Kohlhäupter zuwarfen. Palacky, t. IV, deuxième partie, p. 617.