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par Garibaldi amenait forcément dans l’administration, s’échappèrent de prison ; tous ceux qui ne furent point repris mènent depuis ce moment la vie d’aventure et sont fort heureux de pouvoir cacher leurs méfaits sous une apparence politique ; de plus, l’ancienne armée napolitaine a été licenciée et a fourni de nombreuses recrues aux détrousseurs de grandes routes. Cette dernière mesure du cabinet de Turin a été vivement blâmée, et les Napolitains particulièrement ont jeté les hauts cris en disant que cette armée de soldats allait devenir une armée de brigands qui désolerait les provinces. La plainte était fondée ; cependant, si l’on eût incorporé ces soldats animés d’un mauvais esprit dans l’excellente armée italienne, il était à craindre qu’ils n’y apportassent la démoralisation dont ils étaient atteints. Entre deux maux, le ministère a sagement fait de choisir le moins grave : il valait mieux avoir des brigands plus nombreux à combattre que de voir se disloquer peu à peu une armée nouvelle, composée d’élémens encore mal fondus, et qui exigeait alors les soins particuliers qui en ont fait aujourd’hui une troupe de premier ordre.

Le brigandage a fait beaucoup de mal aux provinces napolitaines, cela est certain ; mais jamais, pas une heure, pas une minute, il n’a mis en péril l’ordre de choses nouvellement établi : la troupe régulière n’a donné elle-même qu’assez rarement, et le plus souvent la garde nationale, dont on ne saurait trop faire l’éloge, a suffi pour vaincre, disperser et détruire des bandes redoutées. En Calabre, les principaux propriétaires se sont mis à la tête de leurs tenanciers armés, et pas un brigand n’existe actuellement dans les provinces où jadis ils trouvaient partout chère-lie et bon accueil. Les pays les plus éprouvés sont ceux qui sont limitrophes des États-Romains, où le brigandage se recrute et se réfugie. « Je m’enquis auprès des employés du chemin de fer de la situation du brigandage. Ils me dirent que dans le commencement il n’était pas rare de perdre en une nuit deux cents ouvriers qui étaient enrôlés par un agent pontifical moyennant 15 piastres par tête pour servir comme brigands pendant un temps désigné[1]. »

L’éloignement où nous sommes en France de ces hommes les grandit et les poétise ; volontiers nous croirions que leur cri de ralliement est la vieille devise : « Dieu et mon roi ! » C’est là une erreur capitale ; ces malheureux n’ont même pas la valeur fort contestable qu’eurent jadis dans notre pays les compagnons de Jéhu et les chevaliers du brassard si j’avais à chercher leur analogie dans notre histoire, je la trouverais peut-être dans les chauffeurs et les routeurs de plaine. Voici par exemple les renseignements qu’a recueillis sur

  1. Dépêche de sir J. Hudson déjà citée.