déjà très forte sur ce point, grossissait d’heure en heure. George n’avait qu’un signe à faire, et pas un des Hongrois de Mathias Corvin n’aurait revu ses plaines natales. Le roi eut-il horreur de cette boucherie trop facile ? Croyait-il toucher l’âme impie du Magyar en lui tendant une main si généreuse ? Persistait-il à vouloir unir la Hongrie et la Bohême contre les projets de l’empire ? Tous ces motifs se combinèrent peut-être dans sa pensée ; ce qui est certain, c’est que, Mathias Corvin lui ayant demandé la paix, c’est-à-dire la vie de ses soldats et la sienne, le roi George n’eut pas le courage de frapper. « Les nôtres sont furieux, dit un témoin dans un écrit qui semble daté du camp de Wilimow ; ils espéraient écraser enfin l’antique ennemi, ils espéraient briser pour toujours les cornes du taureau, et voilà un traité de paix qui leur arrache des mains la victoire. Ah ! si le prince Victorin n’était pas arrivé un jour trop tard, il aurait bien empêché son père de commettre une telle faute ! On crie terriblement dans l’armée, et il n’est pas de reproche qu’on n’adresse au roi. » On voit quelle est la candeur du roi George : il brave sans hésiter le mécontentement de ses amis pour accomplir son œuvre jusqu’au bout.
Une fois les préliminaires arrêtés, les deux rois se donnent rendez-vous au petit village d’Auhrow. Ils arrivent chacun avec son escorte, se saluent amicalement et entrent dans une pauvre cabane à moitié détruite par les flammes (27 février 1469). C’est là qu’ils délibérèrent seul à seul et posèrent les bases du traité. Le roi Mathias, pour prix de la générosité du vainqueur, s’engageait à réconcilier le pape et le roi de Bohême sur le terrain des compactats. De son côté, le roi de Bohême promettait obéissance au saint-siège pour tout ce qui ne concernait pas la coupe sainte et la doctrine établie à ce sujet par les pères du concile de Bâle. Il fut convenu que les deux rois se réuniraient le 24 mars à Olmütz avec leurs conseillers, afin d’y conclure une paix éternelle entre les Tchèques et les Magyars. À ces conditions, un armistice général fut proclamé jusqu’au lundi de Pâques (3 avril), armistice qui devait être prolongé, si les négociations relatives à la paix n’étaient pas terminées à cette date. Le surlendemain (1er mars), le roi George licenciait son armée ; le même jour, Mathias écrivait aux barons de la ligue, aux villes de Silésie et de Lusace, que la paix était faite, et leur donnait l’ordre de suspendre immédiatement les hostilités.
Le roi de Bohême faisait-il sagement de se fier ainsi à Mathias Corvin ? Le XVe siècle est le siècle des traités rompus, des paroles violées, le siècle des perfidies et des impudences diplomatiques en