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mourir debout, sur le trône, à son poste de combat, espérant bien poursuivre son œuvre jusqu’au terme, et avec l’aide de Dieu châtier la trahison du Magyar.

La résolution du roi fut adoptée par les états du royaume convoqués solennellement à Prague (juillet 1469). Il est inutile d’ajouter que le roi et les états réglèrent d’un commun accord les conditions de ce grand acte, et que le prince polonais appelé à régner sur les Tchèques devait s’engager à maintenir les. droits religieux, véritable charte nationale, pour laquelle un si noble sang avait coulé. Ce vote extraordinaire simplifiait la situation ; le roi de Pologne Casimir, circonvenu depuis quelque temps par les intrigues de Mathias Corvin, et qui semblait disposé à embrasser sa cause, était intéressé désormais au triomphe des Bohémiens. Quelques semaines après, toute la Bohême est en armes ; Mathias Corvin, qui venait de se faire couronner roi de Bohême à Breslau en présence du légat, des barons et des évêques de Silésie, apprend tout à coup que l’armistice est rompu. Il avait espéré que ces fêtes de Breslau vaudraient pour lui une victoire décisive ; il croyait George réduit au désespoir en le voyant offrir son trône à un prince étranger, il croyait le peuple tchèque ébranlé, incertain, et il trouvait en face de lui toute une nation plus résolue que jamais. Il convoque aussitôt le ban et l’arrière-ban de la Hongrie. Les Bohémiens avaient pris les devans ; les premiers avantages sont pour eux. En Moravie, en Silésie, dans les deux Lusaces, les catholiques, pris au dépourvu, sont obligés de fuir ou de se rendre. Sur bien des points d’ailleurs, les sujets révoltés du roi de Bohème se préparent mollement à la lutte. Les habitans de Breslau, naguère les plus implacables ennemis du roi, commencent à parler de conciliation et de paix. Ils ont vu de trop près leur nouveau maître, ils savent trop bien quel est ce défenseur de la foi ; l’arrogance, la dureté, les débauches de Mathias Corvin leur ont inspiré des réflexions un peu tardives, et ils se demandent, malgré leur fanatisme, si le souverain hérétique avec sa douceur, ses vertus, son respect de la justice, ne valait pas mieux que le prince orthodoxe avec sa brutalité farouche. Ces sentimens, qui se répandent de proche en proche, assurent le triomphe des Bohémiens. Les barons de la ligue eux-mêmes voient leurs rangs s’éclaircir. La lutte n’est vive et terrible que, sur les champs de bataille où Tchèques et Magyars sont aux prises. Un jour, entraîné par son courage aveugle, le prince Victorin, qui se conduit toujours en chevalier bien plus qu’en général, se laisse attirer dans une embûche, et c’est vainement qu’il brise les lignes ennemies à coup d’estoc et de taille ; errant dans la campagne avec un de ses lieutenans, il fut bientôt pris par les hussards hongrois et conduit à Mathias Corvin, qui, tout fier d’une telle capture, la fit publier partout comme un triomphe