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Pendant cette inaction forcée, le roi de Bohême ne perdit pas son temps : il avait à combattre Mathias Corvin sur le terrain de la politique comme sur les champs de bataille ; là encore, ainsi que dans les plaines de Hradisch, il fallait le déloger des positions qu’il avait prises et mettre ses plans en déroute. On a vu que le Magyar convoitait hardiment le titre de roi des Romains, et qu’il avait déjà entamé des négociations à ce sujet, soit avec les légats du pape, soit avec les princes de l’empire ; le roi George s’adresse aussi aux princes de l’empire, et, reconnaissant avec eux qu’il importe de donner un coadjuteur à Frédéric III, il cherche un candidat qui fasse échouer les projets de Mathias. Il y a beaucoup d’obscurité sur le détail de cette affaire ; une chose certaine, c’est qu’un envoyé du roi, le sire George de Stein, alla trouver Charles le Téméraire à la fin de l’année 1469, et le pressa vivement, au nom de son maître, de solliciter ce vicariat de l’empire d’Allemagne. Déjà le sire de Stein par ses négociations personnelles, et Grégoire de Heimbourg par ses manifestes, avaient préparé les voies à cette compétition ; le duc n’avait qu’à parler, à payer de sa personne ; entre le farouche Magyar et le brillant duc de Bourgogne, les électeurs n’hésiteraient pas. L’attitude de Mathias Corvin semblait justifier d’avance ces promesses du roi de Bohême. Au moment où Podiebrad faisait ainsi appel à Charles le Téméraire, Mathias Corvin allait trouver l’empereur à Vienne, et, lui demandant sa fille en mariage, essayait de s’imposer à l’Allemagne comme un protecteur dont elle ne pouvait se passer. N’était-il pas le seul souverain, depuis l’empereur Sigismond, qui eût osé combattre l’hérésie bohémienne ? Frédéric III eut l’air de consentir à tout ; il avait pourtant de bien autres projets, et il n’avait pas eu besoin de considérer d’aussi près l’arrogance du Hongrois pour écarter sa demande. On ne sait pas exactement ce qui se passa entre eux ; il est avéré seulement que la fin de ces fêtes de Vienne ne ressembla guère au début. Pendant tout le mois de février 1470, l’empereur et le roi de Hongrie ne s’étaient pas quittés un instant ; l’empereur appelait le roi son fils, le roi donnait le nom de père à l’empereur ; tout semblait réglé entre Frédéric et Mathias, et le Magyar allait recommencer la guerre à l’hérétique avec une autorité nouvelle qui doublerait ses forces. La double comédie, car on se trompait des deux côtés, finit aux derniers jours du carnaval. Le 10 mars, Mathias Corvin quitta Vienne la fureur dans l’âme et la menace à la bouche. Il devait y revenir vingt et un ans plus tard après en avoir chassé Frédéric ; mais c’est là un épisode qui n’appartient plus à notre histoire, et l’échec de Mathias auprès de l’empereur en 1470 confirmait la politique du roi de Bohême.

La lutte de Mathias et de George, interrompue par l’hiver, est reprise avec furie aux premiers jours du printemps. Le roi de Bohême