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Chaque opération était ainsi représentée par un fonds particulier, différant des autres par le taux de l’intérêt et l’échéance.

Avec un tel système, le capital de la dette, en hausse ou en baisse alternativement, devient à la lettre un thermomètre politique. Pendant une quinzaine d’années, la république naissante doit pour ainsi dire pourvoir à ses frais de premier établissement ; elle fait quelques appels de fonds, et le chiffre primitif de 377 millions est dépassé. On arrive en 1806 à 430 millions ; mais, à partir de cette date, une veine de prospérité se déclare et fournit les moyens d’amortir. La dette est abaissée à 226 millions, lorsque l’Union se trouve engagée dans une guerre maritime pour le soutien du droit des neutres. Il faut, de 1812 à 1816, fondre des canons, armer des flottes, si bien que le jour où la nation fait ses comptes, elle s’effraie de devoir 637 millions de francs. Avec la paix revient le système, ou, pour mieux dire, la passion des économies. Pendant une vingtaine d’années, on applique religieusement l’excédant des ressources fiscales au remboursement ou au rachat anticipé des effets publics, et en 1835, au moment même où la grande crise des banques bouleverse le commerce et fait croire à l’Europe que l’Union américaine touche à sa ruine, la dette du trésor est réduite à 187,565 francs pour une population portée déjà à 14 millions d’âmes ; une douzaine de mille francs suffit au paiement de la rente !

On toucha à l’idéal sans l’atteindre. Au moment où il aurait été si facile d’effacer complètement la dette, les embarras commerciaux forcèrent le gouvernement de Washington à prendre la responsabilité de quelques petits emprunts. Vint la guerre du Mexique : il fallut lever des fonds pour les frais de la campagne et pour l’indemnité qu’on daigna payer aux vaincus en leur arrachant une partie de leur territoire. En 1852, la dette- fédérale était remontée à 338 millions de francs. Les avances faites par le trésor n’étaient d’ailleurs qu’un placement à gros intérêts. L’état entrait en possession d’un immense domaine qu’il allait revendre avec bénéfices. Vers 1855, l’argent affluait dans les caisses publiques à tel point que le gouvernement liquidait sa dette en rachetant les titres bien au-dessus du pair. On ne devait guère plus de 125 millions, lorsque les premiers symptômes de la crise actuelle vinrent multiplier les occasions de dépense. En définitive, en 1860, au moment où la guerre civile éclata, la dette fédérale sous toutes les formes, consolidée, temporaire ou flottante, s’élevait en capital à 375 millions de francs, comportant une annuité d’environ 22 millions, et remboursable par des paiemens échelonnés jusqu’en 1871.

On pourra dire qu’en Amérique chaque état a sa dette particulière à côté de la dette nationale et collective, et qu’il faudrait tenir compte de ces deux élémens pour établir une exacte comparaison