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moment où la chambre et le pays pourraient juger la conduite du ministère en face du parti de l’action. L’épreuve déterminée par M. Minghetti a réussi au cabinet, et les hommes distingués du parlement n’ont plus de raisons apparentes de refuser de compléter par leur concours les cadres d’un gouvernement fortifié. Dans une telle situation, soit que la chambre actuelle vive, soit que des élections générales la renouvellent, il nous semble que les hommes politiques importans de l’Italie doivent agir dans le parlement avec plus de franchise et de décision qu’ils n’ont osé le faire depuis la mort de M. de Cavour. Quand l’animation de la vie parlementaire donnerait lieu à des dissidences politiques plus accentuées, quand elle donnerait lieu à une opposition fondée sur des principes et des intérêts, ni le gouvernement ni l’Italie n’auraient à s’en plaindre. La lacune laissée par la mort de M. de Cavour dans la direction de la politique générale est à chaque instant déplorée par les Italiens. Pour être conséquent, il faudrait au moins s’efforcer de produire la monnaie de M. de Cavour. On n’y parviendra qu’en abordant franchement et courageusement la vie parlementaire, qu’en abandonnant la guerre de petites niches et de tricheries qu’on se faisait depuis trop longtemps au sein des bureaux et des commissions, qu’en renonçant à ces tristes habitudes de dénigrement qui ne se sont pas même arrêtées devant la noble personnalité de M. Ricasoli, que M. Bianchi, son ancien secrétaire-général, était naguère obligé de défendre contre les plus injustes imputations dans une brochure très intéressante. Que M. Ricasoli, que M. Farini reprennent leur place à la chambre ; que des hommes dont le mérite est déjà apprécié en dehors de l’Italie, tels que M. Minghetti et M. Peruzzi, disent ouvertement leur façon de penser sur la conduite des affaires, pour l’édification de leur propre pays et pour l’instruction de l’Europe ; que l’éducation de l’opinion italienne se poursuive ainsi par une discussion ferme et assidue, par l’action régulière des institutions, les hommes d’état se formeront, et l’on n’aura plus à redouter comme un péril national les intempérances des hommes et des partis qui ne savent en appeler qu’à la force.

L’épreuve si critique qui vient de tenir en suspens les destinées italiennes a pendant deux semaines absorbé toutes les préoccupations. Les nouvelles d’Italie avaient seules le privilège d’attirer l’attention et d’exciter les émotions du public. On ne pensait plus au Mexique, où en effet la situation de nos troupes, qui vont recevoir des renforts considérables, ne pouvait plus donner d’inquiétude, au Mexique, qui ne nous apparaîtra plus désormais que sous la forme d’une lourde question financière. L’on n’écoutait pas le sempiternel et incompréhensible bavardage du fil électrique sur les affaires du Monténégro et de la Serbie ; l’on ne s’apercevait pas des mensonges du télégraphe, qui attribue aux Monténégrins des victoires qui en réalité sont des défaites, car les Turcs sont aujourd’hui maîtres de la Montagne-Noire. On souriait en passant de la leste et verte réponse de M. de Rechberg à la lourde note de M. de Bernstorff, et l’on n’avait pas le cœur de se mêler aux