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à la concurrence des marines étrangères ; Ils se croient en droit de demander pour elle le maintien des surtaxes de 20 et 30 francs établies dans les lois du 5 et du 23 mai 1860, car on ne saurait faire moins pour un des élémens de la puissance politique du pays que pour notre industrie manufacturière, à laquelle on a réservé un tarif de protection s’élevant jusqu’à 30 pour 100. De plus hardis, comme les présidens des chambres de commerce de Marseille et de Bordeaux, demandent, pour se préparer à la libre concurrence, l’admission en franchise de tous les objets et matières qui servent à la construction et à l’armement des navires, la faculté de franciser gratuitement les bâtimens achetés à l’étranger, et, moyennant trois ou quatre ans passés sous ce régime transitoire, ils adhéreraient au principe de l’assimilation des pavillons.

Il existe une opinion plus radicale : c’est celle des négocians, des industriels et de quelques partisans systématiques du libre échange. Ils s’accordent à dire qu’après les réformes opérées, après la promesse faite à l’industrie de lui donner les matières premières à aussi bas prix que possible, et par conséquent de les faire arriver par les transports les moins coûteux, il y aurait déni de justice à maintenir notre législation maritime. Comment nos manufactures pourraient-elles se soutenir, comment leurs produits pourraient-ils trouver des consommateurs sur les marchés étrangers en présence des produits similaires anglais, s’ils demeurent surenchéris des primes payées à notre marine ? N’est-ce donc pas déjà soumettre à une terrible épreuve le travail de nos fabricans que de les placer en face de rivaux si puissans, habitués depuis longtemps à dominer tous les marchés ? La marine est un auxiliaire pour notre industrie, il faut qu’elle exerce son entremise avec activité et bon marché.

Les économistes, qui aiment à invoquer les précédens que leur fournit l’expérience anglaise, ne manquent pas d’ajouter à ce thème l’énumération des progrès que l’Angleterre a su accomplir sous l’influence du libre échange appliqué à la navigation des peuples. Ils ont la conviction que ce système, largement pratiqué chez nous, donnera les mêmes résultats. La France, disent-ils, si heureusement située sur le continent européen, y est appelée à exercer un rôle prépondérant sous le rapport commercial, comme celui qu’elle exerce sous le rapport politique, si elle sait par le transit se constituer l’intermédiaire de tous les peuples. À cette fin, qu’elle ouvre ses ports à tous les pavillons, qu’elle provoque par tous les moyens possibles une immense importation de denrées coloniales, de matières premières de toute sorte, qu’elle crée à Marseille, au Havre, à Bordeaux, de grands marchés et de grands entrepôts qui n’aient rien à craindre de la comparaison avec Anvers, Amsterdam et Trieste, et elle fera plus pour sa marine marchande que par les combinaisons