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sûrs et résistans[1]. La troisième locomotive, celle qui appartient à la compagnie du Nord et qui a été construite, sur les plans de ses ingénieurs, dans les ateliers de M. Gouin, possède un appareil du même genre, quoique d’un autre système[2].

Dans son ensemble, cette dernière locomotive est le résultat d’une conception hardie ; elle excite à Londres une générale curiosité : sa dimension colossale en fait comme le Léviathan de l’exposition. L’élévation de cet appareil n’aurait pas permis de donner à la cheminée la hauteur voulue sans toucher sur la route le tablier des ponts. On a donc adopté le système d’une cheminée horizontale, ou, ainsi que le disait d’une façon pittoresque une feuille anglaise, une cheminée recourbée en arrière comme la trompe d’un éléphant. Il ne faudrait pas croire que l’élévation ait ici pour résultat de déplacer d’une manière fâcheuse le centre de gravité. Non ; les parties lourdes sont placées en bas, tandis que le faîte de l’édifice est occupé par une chaudière complémentaire destinée seulement à recevoir la vapeur pour la dessécher, ou, si l’on veut, pour la surchauffer. Cette opération du surchauffage, disons-le en passant, dégagée aujourd’hui de certaines difficultés d’application, procure l’avantage de ménager le calorique et de réduire la masse d’eau si considérable qu’absorbent les locomotives. Réaliser une grande puissance par la réduction du poids inutile, autrement dit du poids mort, et par la production d’une grande quantité de vapeur, tel est en fin de compte le caractère de la locomotive du Nord, qui fait déjà partie, nous apprend-on, d’un lot de douze machines analogues, dont quelques-unes doivent être adaptées, à l’aide de certaines modifications, au transport des voyageurs. Qu’on puisse retrouver ailleurs telle ou telle des combinaisons dont elle offre le résumé, les ingénieurs de la compagnie sont les premiers à en convenir. Il existe en effet un fonds commun d’inventions, de perfectionnemens acquis à la science, et où chacun a le droit de puiser, sauf à employer ces élémens connus pour obtenir de nouveaux progrès. Personne n’ignore du reste que le chemin du Nord est de tous les chemins français, et même aussi de tous les chemins étrangers, celui qui a le plus profondément remué, en vue d’améliorations pratiques, les divers engins de la mécanique des voies ferrées. On compte par centaines les essais tentés dans les ateliers de la compagnie,

  1. La compagnie d’Orléans aurait entre toutes un intérêt immense à n’avoir que des locomotives consommant du charbon, car non-seulement la fabrication du coke entraîne des dépenses, elle exige encore des charbons d’excellente qualité ; or ce sont précisément des houilles peu convenables à cette transformation que la compagnie rencontre le plus souvent sur le parcours de son réseau.
  2. L’appareil adopté par la compagnie d’Orléans est celui de M. Tenbrinck, ex-ingénieur à la compagnie de l’Est ; celui de la compagnie du Nord est dû à M. Belpaire, ingénieur en chef du chemin de fer de l’état belge.