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largissement qui commencent à se révéler au dehors. Le dernier mot du progrès accompli chez nous peut se juger à Londres dans un modèle de voiture de première classe exposé par la compagnie d’Orléans. Certes la compagnie n’y a rien négligé de ce qui pouvait assouplir les ressorts, rendre les mouvemens plus doux, ou faire disparaître les bruyantes oscillations des parties mobiles du véhicule ; mais elle n’a obéi à aucune idée de réforme un peu radicale, elle ne s’écarte en rien de la donnée traditionnelle des trois compartimens séparés les uns des autres, et où les voyageurs sont inflexiblement emboîtés. Le moindre reproche qu’on puisse faire à cette distribution, c’est qu’elle n’est point au niveau des merveilleuses conquêtes sur le temps et sur l’espace qu’ont réalisées les chemins de fer, c’est qu’elle ne s’accorde plus avec les exigences de trajets pouvant-désormais embrasser sur le continent européen, sans solution de continuité, plusieurs milliers de kilomètres.

Supposez que notre exposition eût compris un train omnibus tout organisé, c’est-à-dire avec un wagon de chaque classe, mais présentant aux regards quelque mode nouveau, soit par rapport à la distribution intérieure des voitures, soit par rapport à des additions destinées à rendre les longs voyages plus commodes : alors on pourrait dire que l’initiative est conforme au génie de la France. L’art de nos constructeurs aurait eu là une occasion de mettre ses moyens à l’épreuve. On est très loin d’une telle réalisation. Ce n’est pas d’ailleurs du chemin d’Orléans, qui ne s’est jamais lancé dans des essais très hardis en ce qui concerne les voyageurs, qu’on pouvait l’attendre. Nous avons bien à Londres une autre voiture nouvelle d’aspect, mais d’aspect seulement, car on retrouve au dedans toutes les restrictions du système usité. La combinaison consiste à réunir dans un même véhicule trois compartimens de classe différente et de plus, un coupé pour les bagages. Ce n’est pas autre chose que le mode actuel concentré sous le moindre volume possible. Cette voiture, qui a été envoyée par une compagnie dite compagnie du matériel des chemins de fer, siégeant à Paris et à Bruxelles, ne pourra guère convenir d’ailleurs aux lignes importantes, où l’affluence des voyageurs exige toujours plus d’un wagon, et où les voitures de troisième classe notamment sont toujours suffisamment remplies.

Si l’on ne devait chercher dans l’installation que la magnificence, il aurait fallu commencer par nommer l’Égypte. Un wagon de première classe figurant à l’exposition, et exécuté en Angleterre sur l’ordre du pacha, étale un luxe dont nos plus riches véhicules ne sauraient donner une idée ; mais ce wagon n’a pas d’autre trait distinctif[1]). Rien n’empêche d’y voir comme une expression du génie traditionnel

  1. Citons toutefois une variante réclamée par le climat et consistant dans la superposition de deux toits entre lesquels l’air circule librement de manière à tempérer au dedans des voitures l’effet des rayons solaires.