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bonnes grâces d’Anne d’Autriche, et il portait dans ses relations avec Marie de Médicis ce mélange de politique et de galanterie qui ne manque guère son effet auprès d’une femme qui n’est plus jeune et qui gouverne. Vers la fin de juin 1624, il fit un voyage à Londres, probablement de concert avec Richelieu, pour aller rendre au roi Jacques un compte exact de l’état de la négociation, et lui faire bien connaître quelles concessions le cardinal était disposé à faire, et lesquelles il avait absolument besoin d’obtenir. Il revint à Paris dans les premiers jours d’août avec la promesse de son roi qu’il serait fait bientôt comte de Holland, ce qui eut lieu en effet le 24 septembre suivant, et rapportant au cardinal les concessions possibles et les exigences indispensables du roi Jacques. Il eut peu après[1] avec Marie de Médicis, à Ruel, où elle résidait alors, un entretien dont le lendemain il rendit compte en ces termes au duc de Buckingham :

« La reine a amené le discours sur le prince de Galles et sur son voyage en Espagne. — La critique générale en Italie a été, me dit-elle, que deux rois avaient commis alors deux grandes fautes : l’un, de risquer un gage si précieux dans une entreprise si hasardeuse; l’autre, de traiter si mal un si glorieux hôte. — La première faute a pour excuse, madame, lui dis-je, le bien général de la chrétienté, qui, étant alors dans une situation désespérée, avait besoin d’un remède désespéré. Il faudrait pour la seconde faute un meilleur avocat que moi. Son altesse, mon prince, remarqua lui-même alors qu’après l’avoir traité si mal, c’était, de la part des Espagnols, une grande faiblesse et folie que de le laisser partir. Ce furent là ses premières paroles en montant sur son vaisseau. — A-t-il vraiment dit cela? demanda la reine. — Je puis vous l’attester, madame, sur la foi de mes propres oreilles. — Il est vrai qu’il avait été mal traité. — Certainement, lui répondis-je, non pas dans la façon dont on l’accueillit, et qui fut aussi brillante que pouvait le permettre ce pays-là, mais par leurs ridicules lenteurs et par les déraisonnables conditions sur lesquelles ils insistèrent, prenant avantage de ce qu’ils avaient sa personne entre leurs mains. Et pourtant, ajoutai-je en souriant, ici, madame, vous le traitez encore plus mal. — Comment donc? me dit-elle vivement. — Vous exigez, madame, de ce digne et noble prince, qui a tant de zèle pour le service de vos majestés et tant de passion pour Madame, les mêmes conditions, que dis-je? des conditions plus déraisonnables que celles des Espagnols. Vous voulez conclure le mariage, et vous entrez dans les mêmes voies qu’ils ont suivies pour le rompre ; ce qui fait naître des doutes et des méfiances dont le comte d’Olivarez a pris grand soin d’aggraver l’effet en tenant à l’ambassadeur du roi mon maître en Es-

  1. Le 30 août 1624.