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tous les biens et de toute part pour le saint monastère, et augmenter le revenu et les travaux, comme aussi les effets et ornemens sacrés, en sorte que le saint monastère ne soit jamais privé du nécessaire, mais qu’il soit un lieu hospitalier en tout temps. Et ce qui excédera du revenu d’une année à l’autre, les moines devront l’employer au susdit monastère du mont Athos. Après mon décès, ô vous que Dieu appellera à cette principauté de la Valachie, soit de mes descendans, soit de mes parens, soit enfin (pour mes péchés!) d’une autre famille, je vous adjure, au nom de la très sainte Trinité, de vous tenir obligés de sanctionner, confirmer et renouveler mon présent chrysobulle et les dispositions que j’y fais. Et celui qui honorera, confirmera et renouvellera le présent chrysobulle, qu’il soit honoré de Dieu tant sur la terre que dans la vie future ! que Dieu et la sainte Vierge lui soient en aide dans le jugement suprême! Mais celui qui n’honorera ni ne confirmera le présent chrysobulle et celui qui le rejettera et le foulera aux pieds et l’abandonnera à l’oubli, que celui-là soit responsable le jour du jugement dernier! Que Dieu punisse son corps ici et son âme au siècle futur! Qu’il soit maudit et excommunié par les trois cent dix-huit pères du concile de Nicée! Que sa part soit avec Judas et Arius et les Juifs qui crièrent contre Notre-Seigneur : Haro, crucifiez-le! Que le sang du Seigneur soit sur eux et sur leurs fils éternellement! Amen. Le 10 février an 7121 (1613 de J.-C.).»

Voici un autre acte, tiré du livre de M. Bengesco, où les conditions de la dédicace sont encore plus nettement exprimées et sous une forme non moins originale : « Nous Sherban Cantacuzène Bassarabe, — par la grâce de Dieu, prince de toute la Valachie, — nous avons fondé, sur la place même où Notre-Seigneur Jésus-Christ et la Vierge sans tache nous ont délivrés de nos ennemis, le saint monastère de Cotrotchèni. Nous l’avons orné à l’intérieur et à l’extérieur de présens et d’offrandes, de biens meubles et immeubles qui puissent suffire à l’entretien des moines qui y passeront leur vie, ainsi qu’à celui des hôtes qui y viendront en visite ou pour des motifs de dévotion. Et pour que cette disposition soit maintenue et respectée sous notre règne et sous celui de nos successeurs, et pour que personne ne puisse dissiper ou aliéner les biens du monastère, — mais pour que les igoumènes au contraire s’efforcent de le faire prospérer, nous le dédions aux monastères du mont Athos... Les conditions que le saint mont Athos aura à observer sont les suivantes: — Des revenus du monastère, dans les années d’abondance, on enverra au mont Athos seulement le superflu qui restera après avoir préalablement pourvu aux dépenses annuelles du monastère; dans les mauvaises années, le secours sera proportionné aux revenus, etc. »

On pourrait multiplier ces citations; nous avons voulu seulement montrer par quelques exemples l’esprit qui animait les fondateurs de couvens dédiés et la portée véritable qu’ils attribuaient à la dédicace. Voici d’ailleurs en quels termes la majorité de la commission européenne envoyée en 1857 dans les principautés pour en étudier les ressources et les besoins avait exprimé son avis sur cette question[1] : « Les commissaires d’Autriche, de

  1. La Russie et la Turquie ne se sont pas associées à cette déclaration, ni à celles que nous aurons encore à citer. Le rapport de la commission a été lu à la tribune de Bucharest.