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Richmond. Il y avait des semaines, même des mois, que l’exécution de ce projet se préparait très secrètement. Le secret, on le comprend, ainsi que la promptitude, étaient ici la principale condition du succès. Pour que la chose ne s’ébruitât point, il n’avait fallu la confier qu’à un petit nombre de personnes. De là peut-être une des causes de jalousie contre le général en chef.

Quoi qu’il en soit, comme le jour de l’action approchait, ceux qui soupçonnaient la pensée du général et s’indignaient de n’y avoir pas été initiés, les envieux que lui avait suscités sa promotion au commandement suprême, ses ennemis politiques (qui n’en a pas aux États-Unis ?), tout ce qui enfin, à côté ou au-dessous de lui, lui voulait du mal sembla s’être donné le mot pour accuser avec une violence extrême sa lenteur, son inaction, son incapacité. Mac-Clellan, avec un patriotique courage que j’ai toujours admiré, dédaignait ces accusations et ne répondait pas. Il se contentait de poursuivre ses préparatifs laborieusement et en silence. Le moment vint cependant où, malgré l’appui loyal que lui prêtait le président, il ne put plus tenir contre l’orage amassé sur sa tête. Un conseil de guerre de tous les divisionnaires fut tenu ; un plan de campagne qui n’était pas celui du général en chef fut proposé et discuté. Il fallut alors que Mac-Clellan s’expliquât sur ses projets, et dès le lendemain ils étaient connus de l’ennemi. Informé sans doute par ces mille agens féminins qui font pour lui l’espionnage jusque dans les réduits les plus intimes, le chef de l’armée confédérée évacua aussitôt Manassas. Sa manœuvre était habile : incapable de prendre l’offensive, menacé d’être attaqué, soit à Centreville, où sa défense ne servait à rien, soit à Richmond, dont la perte était un grave échec, ne pouvant d’ailleurs couvrir ces deux positions à la fois, il n’avait rien de mieux à faire que de porter toutes ses forces sur la seconde. Pour l’armée du Potomac, cette évacuation était un malheur. Son mouvement était démasqué avant qu’il fût prêt. Les navires de transport n’étaient pas réunis ; une partie était même encore retenue dans les glaces de l’Hudson, Dans cette situation, fallait-il persévérer à exécuter aussi rapidement que possible le mouvement par eau vers la péninsule virginienne ? ou bien fallait-il marcher par terre vers Richmond ? Telle était la grave décision que le jeune général de l’armée du Potomac, enfermé dans une mauvaise chambre d’une maison abandonnée de Fairfax, avait à prendre dans les vingt-quatre heures. C’est en de telles circonstances que lui arrivait la nouvelle qu’il était destitué du commandement en chef, c’est-à-dire qu’il ne pouvait plus compter sur la coopération des autres armées de l’Union avec la sienne, et que les troupes réunies sous ses ordres allaient être divisées en quatre grands corps, sous quatre chefs séparés, nommés tous à l’ancienneté, de manière à faire descendre dans une posi-