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partie de son équipage hors de combat. Pour forcer le passage, il aurait fallu prendre le fort avec des troupes ; mais en face des confédérés réunis en masse à quelques milles de là, devant Richmond, une telle opération n’eût exigé rien moins qu’un effort de l’armée tout entière. Le général Mac-Clellan eût dû alors, dès le moment où la nouvelle de la destruction du Merrimac lui arriva, abandonner le plan de campagne qu’il avait commencé à exécuter, et par une marche oblique gagner rapidement le James-River, afin de relier ses opérations à celles de la marine sur ce fleuve. Aujourd’hui, avec l’expérience des événemens qui se sont accomplis, je suis porté à croire que cela eût mieux valu. Sans doute la marche du Pamunkey au James-River aurait eu quelque chose de hasardeux ; le passage du Bas-Chikahominy ou du James-River, suivant que l’on se serait décidé à opérer sur la rive gauche ou la rive droite du fleuve, eût été difficile et délicat en ayant sur son flanc la grande armée confédérée ; cela eût mieux valu toutefois que la triste position dans laquelle on s’est trouvé pendant un mois dans les marais du Chikahominy. Mais qui pouvait prévoir alors qu’au moment décisif de la campagne, des inondations sans exemple en cette saison de l’année viendraient contrarier les efforts et paralyser les mouvemens de l’armée du Potomac, ainsi qu’au jour de la bataille de Fair-Oaks ? Qui pouvait prévoir aussi que les 80,000 hommes réunis devant Washington ne feraient-rien, moins que rien, pour aider cette armée à vaincre la concentration de forces qui se faisait devant elle ?

On continua donc la marche directe en avant, et, malgré des pluies presque continuelles qui mettaient les chemins dans un état affreux, on ne tarda pas à atteindre les bords du Chikahominy, à un point nommé Bottom-Bridge, situé à dix nulles de Richmond, et où le York-River-Rail-Road, que l’armée suivait depuis White-House, passait la rivière sur un pont pour le moment détruit par l’ennemi. Parvenu là, on était à la porte de Richmond. Jusqu’alors la campagne avait été, sinon brillante, au moins fertile en résultats. York-Town, une des positions militaires les plus importantes de l’ennemi, avait succombé. Norfolk, le magnifique arsenal d’où le sud tirait la plus grande partie de son matériel de guerre, avait dû être abandonné, et cet abandon avait entraîné la destruction du redoutable Merrimac. Enfin le général Mac-Clellan avait réussi à venir asseoir son camp sans accident en face de la capitale des états sécessionistes et de leur principale armée. Les confédérés ne pouvaient reculer plus loin sans perdre aux yeux de leurs partisans et du monde entier tout leur prestige. Ils étaient donc mis en demeure d’accepter là une bataille décisive. Dans les circonstances où l’on se trouvait placé, ce n’était pas un petit mérite d’avoir acculé ses adversaires à