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tordu ses anneaux. L’ange, armé du glaive flamboyant, chasse devant lui Adam et Eve, déjà vêtus des habits de peaux que Dieu a fabriqués pour eux, et levant les bras au-dessus de leur tête avec désespoir. Sur les plus hautes branches des arbres voisins, les perroquets curieux et les geais babillards regardent cette scène avec étonnement; dans le ciel, où volent des bandes d’oiseaux, apparaissent des étoiles sans nombre, à travers lesquelles une comète voyageuse fait briller son lumineux panache; à gauche, le soleil se couche dans des teintes ardentes, et à droite le croissant de la lune montre ses cornes amincies. La couleur générale est bonne, vive sans crudité, et d’une harmonie qui n’est point déplaisante. Quant au dessin, il est très remarquable pour les animaux, qui ont pu être étudiés sur nature. Il y a, entre autres, une certaine vache vue en raccourci que peu de peintres auraient le droit de renier. Pour les animaux de convention, il est conventionnel aussi; pour les personnages, il est mauvais, mièvre, bouffi, ayant cherché la grâce, n’ayant rencontré que la mollesse et très entaché du mauvais goût de l’époque. Cette vaste composition, qui seule paie les fatigues de la pénible ascension d’Anacapri, est datée et signée : 1761, Leonardo Chiaicse. Cette décoration par les majolice, appliquée sur une aussi vaste échelle, mérite d’être signalée et d’être offerte en exemple aux architectes qui aiment l’éclat et cherchent l’originalité.

C’est la seule curiosité qu’on puisse indiquer à Anacapri, qui n’est par le fait qu’une bourgade de douze cents habitans. Je traversai de belles plantations de vignes, d’étroits chemins où errent des troupeaux de petites chèvres alertes, car je cherchais un point habité qui s’appelle Artemo, voulant savoir si ce nom grec n’indiquait pas quelque ruine d’un temple autrefois dédié à Diane. Je trouvai une sorte de ferme décorée du titre de palazzo, et tout auprès une petite chapelle consacrée à la Vierge. Là était le seul vestige que je devais rencontrer; s’il y a eu un temple, il a disparu; s’il y a eu des ruines, elles ont été enlevées et utilisées dans la construction des maisons modernes.

A l’endroit où les terrains s’abaissent pour s’incliner vers la mer, sur les hauteurs qui dominent l’horizon s’élèvent quelques vieilles tours, en partie détruites, qui jadis servaient de sentinelles avancées à l’époque des incursions maritimes. Il y en a trois principales qui font encore assez bonne figure : au nord-ouest, la tour de Damacuta, qui fut assez forte, et assise sur d’assez solides fondations pour avoir pu, au commencement de ce siècle, porter deux pièces d’artillerie; à l’ouest, et dominant un chemin en escalier qui va vers Anacapri, la tour Materita, tour carrée, couronnée de créneaux appuyés sur des restes de mâchicoulis, entourée d’un mur de défense, crevassée par le temps, d’aspect sarrasin, et ne jouant plus dans le