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les documens émanés de la Porte. Je ne vois pas non plus que les derniers arrangemens intervenus entre la Porte-Ottomane et le Monténégro aient encore rien décidé contre cette indépendance, en parole au moins; en fait, c’est différent, et nous verrons tout à l’heure ce que la dernière convention a fait perdre au Monténégro. Continuons à signaler les différences qui se rencontrent au préjudice du Monténégro entre 1858 et 1862.

Le Moniteur de 1858 avait déclaré que la Porte-Ottomane, en cherchant à réprimer l’insurrection qui avait éclaté dans les provinces turques voisines du Monténégro, n’avait pas le droit d’envahir le district de Grahovo, occupé par les Monténégrins. « En admettant, disait le Moniteur, que, dans l’intention de la Porte, l’envahissement de ce territoire ne soit pas une attaque dirigée contre le Monténégro, il est évident qu’il peut conduire à une collision armée, et qu’il constitue tout au moins une atteinte au statu quo que la Porte, par l’organe de son premier plénipotentiaire au congrès de 1856, avait déclaré vouloir respecter. » En 1862, la question s’est posée de même. Il y a eu aussi des insurrections dans les provinces turques voisines du Monténégro, et la Porte-Ottomane, prétendant en 1862, comme en 1858, que le foyer de l’insurrection de l’Herzégovine était au Monténégro, a envahi le Monténégro, portant assurément par là une atteinte au statu quo, qu’avait maintenu le congrès de 1856. C’était bien le cas pour le Moniteur, s’il croyait, comme en 1858, que la Porte avait tort d’envahir le Monténégro, c’était le cas de parler pour le faible contre le fort. Il ne l’a pas fait. Pourquoi? Nous ne pouvons pas dire ici, comme pour l’indépendance, qu’ayant parlé en 1858 et ne s’étant pas rétracté, il n’avait plus rien à dire. L’indépendance était une de ces questions de droit qui n’ont pas besoin d’être décidées tous les matins. L’immixtion des Monténégrins dans les troubles de l’Herzégovine et l’entreprise faite par la Turquie pour punir cette immixtion sont une question de fait qui a besoin d’être jugée à mesure qu’éclatent les événemens. Il ne faut donc pas se dissimuler que le Moniteur, en se taisant cette fois sur les événemens de l’Herzégovine et du Monténégro, a semblé juger contre le Monténégro et lui donner tort.

Voilà comment nous nous expliquons le silence du gouvernement français dans cette occasion. C’est un jugement sur les événemens de l’Herzégovine et du Monténégro-, mais ce n’est pas une politesse faite à la Turquie. Ce n’est pas non plus un abandon du statu quo maintenu par le congrès de 1856 et revendiqué par le Moniteur de 1858. On dit que, dans les arrangemens intervenus entre la Porte et le Monténégro, la Turquie s’est réservé une route militaire qui coupe le Monténégro en deux. Comme le Monténégro sépare l’Her-