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plus de blé que l’année dernière, et comme notre brave compatriote a pu construire une route assez bien empierrée de sa ferme à la mer, il n’aura pas de peine à conduire et à embarquer ses denrées. C’est une grande victoire gagnée sur l’insouciance et sur l’apathie des Turcs. »

Gazette politique : « Autre avantage obtenu contre la Russie. Nous avons fait décider que la route militaire qui coupe en deux le Monténégro, et qui anéantit ce petit peuple, aura des blockhaus. Le ministre de Russie a protesté. »

Gazette économique : « M. W., habile contre-maître dans une fabrique du Lancashire, a fondé près de Brousse une filature qui est en grande prospérité. M. Rachman, un fabricant allemand d’Elberfeld, a suivi cette année son exemple, et nous attendons aussi quelques manufacturiers de Mulhouse. Il y a place pour tout le monde ici. »

Je pourrais continuer ces deux gazettes parallèles; les faits abondent, les faits politiques dans toutes les correspondances diplomatiques de Constantinople; les faits économiques dans les Ressources de la Turquie de, M. Farley.

Le trait le plus caractéristique des deux écoles est l’usage différent qu’elles font des chrétiens d’Orient. L’école politique les repousse autant qu’elle peut; elle voit en eux les rivaux et les successeurs des Turcs. Elle les redoute et les combat. L’école économique ne s’inquiète pas de savoir si les chrétiens d’Orient ont l’ambition de redevenir des peuples et des états indépendans. Elle voit qu’ils ont de l’activité, de l’intelligence, qu’ils ont des capitaux, qu’ils sont bons commerçans; aussi, loin de les repousser, elle les appelle, elle s’en sert pour régénérer l’Orient dans son agriculture, dans son commerce, dans son industrie. Mais l’intégrité de l’empire ottoman!... Elle deviendra ce qu’elle pourra, fata viam invenient. Cela ne regarde pas l’école économique. M. Farley, par exemple, n’a pas craint de dédier son ouvrage des Ressources de la Turquie à un négociant grec, M. Rodoconachi, et voici quelques passages curieux de cette dédicace : « Dans les pages suivantes, j’ai entrepris d’exposer la naissance et les progrès du commerce avec la Turquie, et, pendant que je faisais les recherches nécessaires à mon sujet, j’ai été de plus en plus frappé de ce fait : c’est que c’est à la communauté marchande dont vous êtes un des principaux membres que nous devons principalement l’extension du commerce anglais dans l’empire ottoman. En 1827, nos exportations dans l’empire ottoman ne montaient qu’à la somme de 531,704 liv. sterl., tandis qu’en 1860 elles ont monté à la somme de 5,459,139 liv. sterl. C’est à l’énergie et à la persévérance des Grecs qui forment