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son titre autant qu’il est possible. C’est bien en effet une exposition universelle, car toutes les branches des arts utiles y sont représentées, et tous les peuples à peu près ont mis un remarquable zèle à y concourir. On a signalé quelques abstentions, d’autant plus regrettables qu’elles étaient moins motivées. En France, les chefs d’industrie qui en ont donné l’exemple étaient assurés de recueillir des couronnes à l’exposition de Londres. Ces abstentions cependant ont été individuelles, et n’ont pas empêché les productions importantes des différens états de s’y montrer de manière à être justement appréciées. Si toutes les industries n’y ont pas obtenu tout l’espace qu’elles réclamaient, et c’est le cas pour plusieurs de la France, c’est qu’un obstacle de force majeure s’y est opposé : la variété des produits industriels va croissant tous les jours, et de plus en plus chaque nation embrasse un plus grand nombre de fabrications, si bien que l’édifice de Kensington, quelque vaste qu’il soit, était bien loin de pouvoir suffire à l’amplitude des demandes d’emplacement. À ce point de vue même, l’entreprise des expositions universelles semble devoir rencontrer à l’avenir de grandes difficultés matérielles : il n’y aura bientôt plus d’édifice assez vaste pour les contenir.

Rien de plus saisissant pour un observateur, même peu familier avec les procédés de l’industrie, que le spectacle de ces salles spacieuses où sont réunies une si grande quantité de productions disposées avec intelligence et avec art. Dès milliers d’objets différens sont là, rangés en ordre sous des voûtes de verre à travers lesquelles la lumière se précipite par torrens, toutes les fois du moins que le permet le climat de Londres, qui cette année s’est montré plus inclément que de coutume. L’aspect fort modeste du bâtiment à l’extérieur prépare le spectateur, par la voie du contraste, à être fortement saisi par le tableau qui, le seuil de la porte une fois franchi, s’étale à ses regards ; mais d’autres contrastes et d’autres oppositions attendent le visiteur.

Ce sont par exemple les matières brutes dans leur nudité et leur simplicité, non loin des produits fabriqués, qui se recommandent par leurs dispositions ingénieuses ou par une forme élégante que le bon goût a inspirée, ou par leur splendeur native développée par le travail. Ainsi les roches de quartz aurifère de la Californie et de l’Australie sont à peu de distance de la bijouterie et de l’orfèvrerie la plus habilement ouvragée ou la plus éblouissante, rehaussée dans beaucoup d’échantillons, par les reflets aux mille nuances des pierreries et des perles. Les minerais d’argent, qui à première vue diffèrent à peine de la pierre vulgaire, se rencontrent à quelques pas de ces grandes pièces que les orfèvres de nos capitales ont préparées pour décorer la table des modernes Crésus, ou près de ces cadeaux magnifiques, sous la forme de coupes ou de boucliers,