orientaux appelant l’Europe à leur aide contre la barbarie musulmane, — ces trois causes ont un adversaire inflexible dans le publiciste allemand. Rendre la Morée aux Grecs, donner la Syrie à Méhémet, affranchir d’une servitude odieuse les chrétiens du Liban, c’est affaiblir la monarchie ottomane et travailler pour la Russie. Ses avertissemens ne s’adressent donc pas à l’Allemagne seule ; l’Europe entière, il le dit sans cesse, est menacée par l’invasion moscovite. Pour émouvoir les politiques trop confians, il ne craint pas de jeter l’injure à sa patrie, et d’affirmer que l’Allemagne est déjà conquise par l’ennemi. Déjà, c’est lui qui parle, entre les mains de la politique russe, l’Allemagne est quelque chose comme le royaume de Grèce et les principautés danubiennes, — un agent secret, un instrument docile. L’Allemagne a été affranchie par le tsar en 1813, comme la Grèce en 1827 ; la main du libérateur est sur elles !
Certes, pour qu’un écrivain allemand ose tenir ce langage, il faut qu’il sente bien vivement le besoin de remuer l’Allemagne et d’effrayer l’Europe. Tel est, dans ses traits généraux, le programme de Fallmerayer. Sachez seulement que ce programme est soutenu, non par un avocat opiniâtre, mais par un esprit amoureux du juste, et que, loin de dissimuler la vérité pour le succès de sa cause, il est toujours prêt à proclamer les faits qui nous donnent raison contre lui. L’intérêt moral chez ce vaillant homme passera toujours avant l’intérêt politique. Maintenant voyez-le à l’œuvre ; toutes les bizarreries de sa polémique vont se coordonner logiquement, toutes ses contradictions vont s’expliquer elles-mêmes.
Fallmerayer arrive à Constantinople au moment où le traité de Londres vient d’être signé, c’est-à-dire au moment où la fortune de Méhémet-Ali, le client de la France, est subitement arrêtée par l’alliance de l’Angleterre avec la Russie, l’Autriche et la Prusse. L’ardent publiciste en pousse des cris de joie. Ce traité, auquel la Russie prend part et d’où la France est exclue, lui paraît dirigé contre la Russie plus encore qu’il ne l’est contre nous. Les prétentions de Méhémet-Ali, en menaçant l’empire turc, appelaient sur Constantinople la redoutable protection de la Russie ; le gouvernement anglais a écarté ce péril, il s’est allié avec la Russie pour empêcher la Russie d’agir, il a bombardé Beyrouth et soumis Méhémet pour enlever à la Russie tout prétexte d’intervenir dans le Bosphore. Le tsar Nicolas était si heureux d’exclure la France du concert européen qu’il a donné les yeux fermés dans le piège que lui tendait lord Palmerston. Nous commençons aujourd’hui à démêler toutes ces choses ; on les voyait ainsi en Orient dès l’année 1840, et comme Fallmerayer en ces confuses questions se préoccupe avant tout des projets de l’ambition russe, il n’a que des actions de grâces pour l’Angleterre. Sans l’Angleterre, la grande crise éclatait ; la flotte