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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/205

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La peinture est-elle plus heureuse que la musique ? Oui, dans une certaine mesure. C’est ainsi que le négociant qui fait fortune tient à honneur d’avoir sa galerie, où les peintres modernes sont souvent bien représentés. On y peut voir entre autres quelques-unes des toiles de Troyon et le célèbre Marché aux chevaux de Rosa Bonheur. Il existe de plus bon nombre de peintres américains, fort peu connus chez nous, et qui mériteraient de l’être davantage. On peut citer parmi eux M. Elliott pour ses portraits, et l’on peut citer aussi toute une école de paysagistes, au premier rang desquels se sont placés MM. Church, Mignot et Inness, ce dernier surtout. Malheureusement, si les tableaux sont recherchés aux États-Unis, ils ne le sont qu’à la condition d’être signés d’un nom déjà célèbre, ou de sortir d’un atelier indigène. Il en résulte que le sort des artistes étrangers qui vont chercher fortune au-delà de l’Océan est plus souvent digne de pitié que d’envie. Ce fut le cas pour un peintre français d’un talent réel, et le fait n’est curieux que par son exacte vérité, qui de guerre lasse avait jeté la palette pour se faire teinturier ; on put voir de même un sculpteur, Français également, se lancer dans le commerce et devenir plumassier, et le plumeau comme la teinture les faisaient vivre beaucoup plus largement que le pinceau ou l’ébauchoir. Un troisième, plus persévérant, s’était si bien obstiné à batailler avec la fortune que la dette s’ensuivit, puis la saisie exécutoire. Les recors pénètrent dans l’atelier et se mettent en demeure d’enlever les tableaux. « Qu’en comptez-vous donc faire ? Demande l’artiste sans quitter son chevalet. — Les vendre, répond-on, pour payer vos créanciers. — En ce cas, si vous réussissez, dit-il, veuillez me le faire savoir, car pour mon compte voici trois ans que je cherche aussi à les vendre, sans avoir pu me débarrasser d’un seul. » Les toiles restèrent à leur place.

Si l’Américain ne professe qu’un médiocre enthousiasme pour les beaux-arts, en revanche il a hérité de ses ancêtres anglo-saxons le goût de la vie au grand air, des exercices du corps et de ces jeux fortifians que les Anglais désignent sous le nom d’out of doors games. L’hiver par exemple, qui, dans ce climat plus rigoureux que le nôtre, semblerait devoir être l’époque de la réclusion, l’hiver est impatiemment attendu pour les plaisirs dont son retour donne le signal. À peine les premières neiges ont-elles blanchi la terre ; que les rues retentissent de la joyeuse musique des traîneaux. Attelés de chevaux enguirlandés de grelots, remplis de dames qui bravent à découvert l’inclémence de la saison, ils animent les routes des environs, et ne rentrent parfois que fort avant dans la nuit ; mais de toutes les joies de la saison la plus populaire est le patinage. Pour me servir de l’expression favorite des Américains, on pourrait presque dire que