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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/208

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de cette influence, alors que la tempête est déchaînée dans toute sa furie, et que les âmes les plus fermes ne peuvent se défendre d’un sentiment de doute et de défaillance ; pourtant il n’est aucun peuple dont le patriotisme ne se soit retrempé aux rudes épreuves de la guerre. Le sentiment de la nationalité en péril ne s’était pas encore éveillé chez l’Américain, et jamais ce peuple n’avait mesuré de quel grave danger le menaçait cet esprit de rivalité des divers états, qui, des les premiers temps de l’indépendance, préoccupait si vivement la grande âme de Washington. Aujourd’hui le mal est signalé, et l’Américain saura y porter remède. Il sortira de la lutte armé d’un indestructible et vivace esprit de nationalité qui n’existait auparavant chez lui qu’à l’état latent. Quant à la puissante ville de New-York, qui a eu sa part de ce pénible apprentissage, bien qu’elle en ait relativement moins souffert que le reste du pays, la guerre lui assure de nouveaux droits au titre de métropole, et c’est en son sein que battra désormais le cœur de l’Union ; aussi dépendra-t-il d’elle de prendre un rôle dont chacun lui saura gré, le jour où un épuisement qu’il est permis de prévoir contraindra les deux partis à suspendre le combat. Il est difficile de croire que le nord ne soit pas éclairé sur l’immensité des efforts qui lui seraient nécessaires pour vaincre la résistance du sud par la seule force des armes ; de son côté, le sud sait, à n’en pouvoir douter, que, malgré des succès passagers, jamais la mer ne lui appartiendra, et que la guerre le condamne à rester éternellement bloqué dans son vaste continent. L’heure de la modération n’est-elle donc pas venue, et sur ce théâtre sanglant n’y a-t-il place pour aucun acteur qui conseillerait la fin d’une lutte fratricide ? Cette initiative, il serait beau à New-York de la prendre, car elle est digne d’une ville que ses rapports incessans avec l’Europe placent à la tête de la civilisation transatlantique. Rappeler le pays à la devise de l’Union, gage de sa force et de sa grandeur, chercher par des voies pacifiques une solution où le nord renoncerait à son despotisme commercial, tandis que le sud sacrifierait un esclavage désormais impossible, tel est le rôle que l’on aimerait à voir s’attribuer la grande cité new-yorkaise, et certes chacun reconnaîtra qu’elle aurait ainsi doublement bien mérité de la patrie et de la civilisation.


ED. DU HAILLY.