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La machine locomotive, ou la machine à vapeur des chemins de fer, a de même éprouvé des améliorations de détail qui en rendent le service plus facile, plus exempt de dérangemens, et des perfectionnemens d’ensemble qui en ont grandement accru la puissance. À l’exposition de 1855, on fut émerveillé de la force de la machine imaginée par un habile ingénieur autrichien, M. Engerth. On admirait le fardeau qu’elle traînait sur de fortes pentes. À l’exposition de 1862, les résultats qui surprenaient en 1855 sont bien dépassés. On y voit une machine qui, doublée, c’est-à-dire placée à la fois à la tête et à la queue du convoi, pourra traîner des chargemens nets de 165 tonnes environ sur des rampes de 40 millimètres par mètre. C’est la pente extrême autorisée aujourd’hui par les ponts et chaussées pour les routes impériales. dès lors les montagnes cessent d’arrêter les chemins de fer. Le moment est donc venu de dire qu’il n’y a plus de Pyrénées ni d’Alpes. C’est la compagnie française du chemin de fer du Nord qui expose cette machine, construite par M. Ernest Gouin.

Influence des chemins de fer. — Les chemins de fer se sont beaucoup plus généralisés depuis 1851 et même depuis 1855, et le mode d’exploitation s’en est perfectionné. Le chemin de fer est un appareil de locomotion extrêmement puissant, qui s’adapte également au service des voyageurs et à celui des marchandises, et qui est fort économique pour l’un et l’autre, car il épargne à la fois l’argent et le temps. Il permet aux chefs d’industrie de se déplacer plus facilement et d’aller étudier de leurs yeux l’état des marchés où ils achètent et de ceux où ils vendent, et, ce qui n’est pas moins important, les perfectionnemens accomplis par leurs émules. Par la célérité du transport des marchandises, dans les pays du moins où, comme en Angleterre, les compagnies ont jugé à propos d’organiser cette célérité ou y ont été contraintes par la pression de la concurrence, le chemin de fer rend plus aisées les opérations du commerce ; par la même raison, il diminue, pour les manufacturiers, à un degré appréciable, la durée pendant laquelle auparavant le capital était engagé dans la fabrication, et dès lors, avec le même capital de roulement, ceux-ci peuvent suffire à une plus grande production. Avec le chemin de fer, il n’y a plus de limites à la facilité de s’approvisionner ; par le chemin de fer, la concurrence est devenue plus active et plus générale entre les producteurs, et il a fallu que chacun redoublât d’efforts. On a donc recherché davantage les bonnes machines et les bons procédés. Le niveau moyen des ateliers dans chaque industrie s’est élevé : les traînards ont pressé le pas ; ceux qui étaient avancés n’ont rien négligé pour conserver leurs avantages. L’ensemble des chefs d’industrie a produit ainsi mieux ou à plus bas prix. La puissance productive de la société a été ainsi visiblement accrue.