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M. de Watteville, vient de constater les heureuses conséquences de cette réforme, non-seulement dans l’ordre économique, mais dans l’ordre moral. De 36,000 par an en 1831, le nombre des enfans abandonnés est descendu à 20,000 ; l’abandon des enfans légitimes, qu’encourageaient le silence et l’obscurité, est devenu tout à fait exceptionnel ; la mortalité a diminué avec la dépense, et ce qui doit surtout réjouir les âmes chrétiennes, beaucoup de ces malheureux enfans finissent par être reconnus et même légitimés par mariage subséquent ; Tels sont les effets du nouveau système. En même temps la commission a constaté une fois de plus que la suppression des tours n’a aucune influence sur les infanticides, puisque les départemens qui ont supprimé les tours ne sont pas ceux où s’accroît le nombre de ces crimes. Voilà donc une question douloureuse qui va en s’éclaircissant, et où la raison et l’expérience rectifient la charité qui s’égarait.

J’ai dit franchement ce qui manque, selon moi, au travail de M. Périn ; je n’en veux pas moins le remercier de sa tentative. D’autres feront après lui quelques pas de plus. Réconcilier l’économie politique et la religion, c’est l’œuvre la plus méritoire qu’on puisse entreprendre. Avec le concours de ces deux grandes forces sociales, on peut espérer de faire reculer indéfiniment le vice et la misère. L’une sans l’autre n’y suffit pas. Le jour où elles marcheront tout à fait d’accord, nous assisterons à une nouvelle et puissante évolution de l’idée chrétienne. Voilà bientôt deux mille ans que l’aurore du christianisme a paru : dans cette longue suite de siècles, le monde a fait sans doute de grands pas ; mais combien nous sommes encore loin de l’exécution complète des divines promesses ! L’esprit du paganisme n’a pas péri, il lutte encore sous diverses formes et se glisse quelquefois sous le manteau de la religion. De son côté, le génie chrétien change de forme aussi ; il ne vit pas uniquement dans le sanctuaire et se répand au dehors sous d’autres noms. C’est lui qui a inspiré, malgré des apparences trop souvent contraires, la philosophie du XVIIIe siècle, car là où est l’amour de l’humanité, là est l’esprit du christianisme. C’est lui qui reparaît de nos jours dans l’élan universel vers la richesse, qui donne la dignité et la liberté. Qu’on ne sépare pas ce que l’histoire a uni. Enfans de ce siècle, nous sommes à la fois les fils des croisés et les fils de Voltaire ; nous héritons de tout le travail du passé, si contradictoire qu’il soit en apparence.

Plus on démontre l’influence des croyances religieuses sur le développement de la richesse, plus il serait juste de montrer en même temps l’action du progrès matériel sur l’ordre moral, car les services sont réciproques. C’est même là un des caractères les plus