Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

historique[1]. Il y donne, à propos de la représentation de l’allégorie morale qu’il prend pour sujet de tableau, ses idées sur la composition et les autres règles de la peinture. On conçoit que la représentation réfléchie de l’acte d’une âme forte qui choisit entre la vertu et la volupté fût du goût d’un moraliste et pût convenablement devenir une estampe inséparable de ses œuvres. Dans les soins qu’il prit alors pour en préparer une meilleure et dernière édition, on reconnaît le goût des arts, que le séjour en Italie réveillait en lui, et auquel s’unissaient une préoccupation philosophique et une arrière-pensée personnelle. Il voulut que ses ouvrages fussent enrichis de gravures et de vignettes de son invention. Il les fit exécuter sous ses yeux et prépara jusqu’à son dernier jour cette publication, trop minutieusement élégante, qui ne parut qu’après lui. Dans les réimpressions qui l’ont suivie, on a dû reproduire ou mentionner ces ornemens dont il avait lui-même rédigé l’explication et qui font, pour ainsi dire, partie du texte de ses écrits.

Ses idées sur les arts du dessin, combinées avec d’autres idées encore plus sérieuses, ne peuvent mieux être appréciées que dans le dernier morceau d’un peu d’étendue qu’il ait composé. C’est une lettre sur ce même choix d’Hercule dont il avait fait faire d’abord un dessin, puis une esquisse, puis un tableau, et qu’il adressa de Naples[2] à mylord***, qui ne peut être encore que lord Somers. Il s’excuse sur son oisiveté forcée de cet amusement qui convient à sa santé et au pays qu’il habite. Il n’aurait même osé en entretenir sa seigneurie au milieu des grands intérêts qui l’occupent, s’il n’avait pensé que, fût-elle en ce moment dans l’administration immédiate, les arts du dessin, la peinture, la sculpture, l’architecture pouvaient être rattachés à ses idées sur la situation politique de son pays. Selon lui, il ne faut pas regretter que l’Angleterre se soit laissé devancer dans la carrière des arts. Du temps que la seule règle était le goût du souverain, qu’un peintre ou un architecte de cour travaillait sans émulation pour plaire à un seul, que l’imitation des modes de la France s’unissait à celle de son gouvernement, on ne pouvait mieux faire qu’on n’a fait, et il est heureux qu’on n’ait pas fait davantage. Là où le public est muet, où ses sentimens ne comptent pour rien, où tout le décourage et l’annule, le génie des arts manque d’un aiguillon, d’une règle, d’un but. C’est l’éveil d’une opinion publique qui seule ranime la critique et le goût. Le jugement d’une nation anticipe et représente celui de la postérité. Il se risque donc à prophétiser que l’Angleterre, grâce aux nobles principes de la révolution qu’elle a faite, va ressentir une inspiration nouvelle, et

  1. Ouvrage posthume publié en 1713.
  2. Du 6 mars 1712.