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l’Angleterre en 1803, et lui a été abandonnée par les traités de 1814[1]. D’après l’aspect général et la constitution géologique du sol, ce pays devait être couvert autrefois d’une série de lacs qui, rompant un jour leurs digues, versèrent leurs eaux dans l’Océan. L’intérieur présente d’immenses savanes et des chaînes de montagnes qui s’abaissent à mesure qu’on s’approche de la côte, et qui, à quarante milles environ de celle-ci, ne sont plus que des collines de sable. Ces chaînes, dont les élémens minéralogiques sont le granit, le gneiss ou le grès, courent parallèlement à la côte en coupant presque à angle droit les nombreux cours d’eau qui se dirigent vers la mer. Il en résulte des cataractes d’un aspect grandiose, mais qui entravent la navigation et empêchent toute communication par eau entre la région de la plaine et celle des montagnes.

C’est sur la côte que se sont installés les Européens et qu’ils ont établi leurs cultures. Le sol, composé d’une couche d’alluvion et d’une argile blanchâtre, y est extrêmement fertile et peut donner pendant plus de cinquante ans de suite, sans engrais ni assolement, des produits considérables. Les plus importans sont le sucre, le café, le riz, certaines fécules, enfin le coton. La culture du coton surtout paraît destinée à prendre une grande extension en raison des événemens dont l’Amérique du Nord est le théâtre, et des compagnies se sont constituées pour reprendre l’exploitation de ce précieux textile[2]. Derrière cette lisière de terres cultivées sont des sa-

  1. Les premiers établissemens européens sur la côte de la Guyane datent de 1580. Ils furent créés par quelques habitans de la Zélande, une des provinces de la Hollande, qui vinrent s’établir sur les bords du Poméron et de l’Esséquebo. En 1613, on y amena des esclaves d’Afrique, et peu après de nouveaux établissemens furent créés sur deux autres fleuves, le Berbice et le Demerary. En 1781, l’Angleterre s’empara de toutes les colonies hollandaises des Indes occidentales. Restituée à la Hollande en 1783, la Guyane tomba ensuite entre les mains des Français, à qui elle fut reprise en 1796. Elle acquit en peu d’années une prospérité remarquable, car en 1802 elle exportait 10 millions de livres de café et 36 millions de livres de sucre. Prise par les Anglais en 1803, elle fut démembrée en 1814, et une partie seulement fit retour à la Hollande. L’esclavage, à peu près aboli en 1808, le fut définitivement en 1834.
  2. On lit dans le rapport des commissaires de l’exposition, auquel j’emprunte la plus grande partie de ces détails, que le coton était avant 1820 le principal objet d’exportation de la Guyane anglaise. En 1803, elle expédiait 46,435 balles de 300 livres. Plus tard, la culture du coton fut peu à peu abandonnée, parce qu’en raison des droits qui frappaient cette matière à son entrée en Angleterre, elle devint moins profitable que la culture de la canne à sucre ou du café. De 1819 à 1823, les deux tiers des bras employés jusqu’alors à cultiver le coton passèrent aux deux autres produits. Le développement de cette culture aux États-Unis et le bas prix auquel le travail esclave permettait de le livrer achevèrent de lui donner le coup de mort en Guyane. De 20 deniers la livre, prix de 1817, le coton était tombé en 1821 à 8 deniers 1/2, prix qui n’était plus rémunérateur. Depuis plusieurs années, il n’en a plus été exporté une seule balle : frappant exemple des résultats auxquels peuvent conduire les erreurs économiques !