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Grande-Bretagne produit aussi par semaine trente mille onces d’argent indigène que, grâce aux procédés de la science, on trouve moyen de séparer des métaux inférieurs. Le refinement est donc une opération qui consiste à épurer, ou, si j’osais risquer le mot, autorisé du reste par la pratique des fondeurs, à désencanailler l’argent.

Un des grands profits du raffineur consiste en outre à extraire l’or de l’argent ou l’argent de l’or. Ici même il agit le plus souvent pour son propre compte ; il lui arrive par exemple d’acheter sur le marché des amalgames d’or et d’argent qu’il paie plus cher que le prix courant, se promettant bien de retrouver la différence ou le surplus sur les bénéfices que lui donnera la séparation des deux métaux. Cette dernière pratique est délicate et réclame toutes les lumières de la chimie. C’est dans le parting room que nous pourrons nous en faire une idée. Il y a dans cette salle, éclairée par un toit de verre, des appareils chauffés au gaz qui ressemblent assez, pour la forme et le volume, à des cruches d’huile ; Dieu nous garde pourtant de leur manquer de respect, car ces vaisseaux, connus en anglais sous le nom de retorts sont en platine et coûtent chacun un millier de livres sterling. Il est vrai qu’ils possèdent un autre avantage, celui d’être inusables ; au bout de dix ans, ils se montrent aussi jeunes et aussi solides que le premier jour. Qu’on n’aille pas croire cependant qu’ils pratiquent la maxime de ne rien faire pour vivre longuement ; on y verse continuellement de l’argent marié à une partie d’or, et cela sur un amalgame d’acide nitrique[1] ; en même temps mille langues de feu, ou pour mieux dire de flamme, lèchent le fond extérieur du vase. Le liquide entre ainsi en ébullition, et l’un des premiers résultats est d’opérer au bout d’un certain temps le divorce de l’or et de l’argent. L’or tombe dans un des compartimens inférieurs du retort sous la forme de grains et avec une couleur brune qui le rend méconnaissable aux yeux des profanes. Il reste alors l’eau d’argent, silver water c’est-à-dire l’acide nitrique, dans lequel l’argent est contenu à l’état de dissolution. Cette eau est versée dans de grands baquets, et l’on devine que le vœu du raffineur est de retrouver l’argent, qui a en quelque sorte disparu dans le liquide. C’est un travail de plusieurs jours ; mais ce travail se fait presque tout seul, et l’on peut suivre sur les baquets se succédant les uns aux autres le progrès d’une désalliance qui doit rétablir entre le métal et l’acide nitrique l’inégalité des conditions naturelles. Les premiers baquets, ceux où vient d’être précipité le liquide, contiennent une eau trouble

  1. On peut employer avec bien plus d’économie l’acide sulfurique ; mais l’usage de ce dernier agent est interdit dans la Cité de Londres à cause de la fumée et pour d’autres raisons sanitaires. M. de Rothschild, dont les fourneaux sont situés hors de l’enceinte de la Cité de Londres, à Tower-Hill, se sert de l’acide sulfurique au lieu de l’acide nitrique.