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Cependant le Vieux-Soulac n’a pas disparu tout entier et peut encore nous offrir, en témoignage de son antique splendeur, une belle église, jadis consacrée à Notre-Dame-de-la-Fin-des-Terres. Cet édifice, qu’on avait bâti à 800 mètres à l’ouest de la ville afin de le rendre visible aux navigateurs du golfe, ne fut que partiellement englouti par les sables, et servait encore au culte pendant le cours du siècle dernier; sa tour croulante ne cessa point d’être le principal point de repère pour les navires, et de nos jours encore une liante balise, élevée à la place de l’ancien clocher, est le premier signal que reconnaissent les marins en s’engageant dans la passe, entre la côte de Grave et Cordouan. Longtemps les dunes roulèrent librement leurs flots à côté de l’église sans pouvoir en saper les murs épais, et lorsqu’on eut enfin arrêté la marche des sables par des semis de conifères, la vieille construction du moyen âge, à demi enfouie dans un talus aux flancs inclinés, dressait toujours au-dessus de la dune la voûte de sa grande nef et son abside en partie effondrée. Ces remarquables restes tinrent en éveil pendant de longues années la curiosité des archéologues, et ce fut seulement dans le courant de l’année 1859 qu’on ouvrit la première tranchée de déblais à la base de la dune. Grâce à l’initiative désintéressée de M. Amédée Kérédan[1], les travaux sont aujourd’hui complètement achevés, et l’église du Vieux-Soulac se montre à nous tout entière, plus belle qu’elle ne le fut jamais, car la nature s’est chargée d’orner les ruines et de les embellir de sa propre beauté.

Ce remarquable débris du moyen âge s’élève immédiatement à côté de la route qui mène à un petit village de bains récemment construit sur la plage du golfe de Cordouan. Éloignée de quelques centaines de mètres du village qui lui doit en grande partie sa réputation, l’église est, pendant la belle saison, le principal but de promenade, et des groupes de visiteurs se montrent sur tous les talus de sable des tertres environnans. Des plus élancés entourent presque complètement la tranchée au fond de laquelle se trouve l’église, et par leur feuillage sombre font ressortir la blancheur éclatante de ces murs que recouvrait naguère une couche épaisse de sable. Une ligne sinueuse marquée au-dessus du toit par une multitude de plantes sauvages et par la nuance rougeâtre de la pierre, indiquent la hauteur précise à laquelle la dune s’élevait autour de l’édifice; des giroflées poussent dans les lézardes de la corniche; de petits arbustes ombragent ce qui reste du toit, et des ronces s’y développent en guirlandes; un pin a même poussé l’audace jusqu’à prendre possession

  1. Il est à désirer que M. Amédée Kérédan publie bientôt son ouvrage sur le Bas-Médoc, la péninsule de Grave et l’écueil de Cordouan. Nul écrivain ne saurait décrire mieux que lui cette région, à laquelle il a consacré plusieurs années de recherches pénibles et coûteuses.