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en 1232, mais tout en restant fief de la couronne, et en 1721 tout le duché, qui avait été divisé entre les trois branches de la maison d’Oldenbourg, — la branche royale, les Gottorp et les Sönderborg, — fut réincorporé à la couronne danoise pour faire de nouveau intégralement et inséparablement partie de l’état danois. L’Angleterre et la France garantirent au roi de Danemark Frédéric IV cette tranquille possession pour tout l’avenir, et, dans ces mêmes conditions, les habitans du duché lui prêtèrent hommage. Nul acte postérieur n’est venu abolir cette transaction européenne. On attaque, il est vrai, la validité de cette incorporation en disant qu’elle aurait violé deux anciens statuts qui ne pouvaient être légalement abrogés : une certaine constitution de Valdemar, en date de 1326, disposant que le Jutland méridional ne serait jamais incorporé à la couronne, et une lettre de 1448, contenant une disposition pareille. On n’attend pas que nous discutions de si vieux parchemins : celui de 1326 n’existe pas aujourd’hui, s’il a jamais existé, et c’est une plaisanterie en vérité que de vouloir assigner dans le droit public du XIXe siècle une autorité quelconque à de telles reliques. Si la lettre de 1448, qui n’a pas même été signée par un roi de Danemark, mais bien par un comte d’Oldenbourg devenu ensuite roi de Danemark sous le nom de Christian Ier, cause des scrupules en l’an de grâce 1863 à la conscience timorée de lord Russell, n’en éprouve-t-il pas aussi quant à la possession du duché de Lancastre par la couronne d’Angleterre ? On lui a démontré, dans un travail d’ingénieuse érudition[1], que les titres des deux couronnes britannique et danoise étaient, dans leurs droits respectifs sur ce duché et sur le Slesvig, absolument de même valeur et de même nature.

Le second argument des notes allemandes et du parti slesvig-holsteinois, renouvelé dans les dépêches de lord Russell, c »est qu’il existe entre le Slesvig et les duchés allemands une union indissoluble indépendamment de leurs relations plus ou moins intimes avec la couronne danoise. — Il faut encore remonter jusqu’au milieu du XVe siècle peur trouver un fondement à cette théorie. Il est vrai qu’un roi de Danemark, désirant attacher intimement à la couronne le Holstein, récemment acquis, l’a déclaré, par un statut de 1460, uni au Slesvig ; mais il n’était question là que d’une pure union dynastique, n’affectant pas le moins du monde la constitution intérieure de chacun des deux pays, et n’offrant aucun caractère d’indissolubilité. La preuve en est que la succession dans chacun de ces deux fiefs dépendait d’investitures données par des suzerains différens, par le roi de Danemark en Slesvig, en Holstein par l’empereur d’Allemagne jusqu’en 1806. On objecte de plus qu’il y a eu

  1. On the Relations, etc. (Sur les Relations entre les duchés de Slesvig et de Holstein), par le Dr Trav. Twiss.