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CARION.

Le plus homme de bien, c’est moi.

MERCURE.

Tous disent la même chose ; mais allez donc dresser la table, et que chacun apporte ses provisions !

LES PAYSANS.

Oui, oui ! allons ! (Ils sortent.)

MERCURE, à Chrémyle, qui se tient toujours près de Plutus.

Va donc préparer ta maison !

CHRÉMYLE, inquiet.

Oui, mais… qui êtes-vous ?…

MERCURE.

Je suis son valet, et il veut me parler. Éloigne-toi, et ne te rends pas importun par trop de zèle.

CHRÉMYLE, à Carion et à Bactis.

Tenez-vous là, tout près, et faites bonne garde ; ne le perdez pas de vue ! (A Myrto.) Viens aider ta mère, (Ils sortent.)


SCÈNE III.
MERCURE, PLUTUS.


MERCURE.

Ah çà, vieux fou, est-ce une plaisanterie ? Prétends-tu demeurer ici, déserter ton poste, m’abandonner aux embarras des affaires et passer tes jours dans la fainéantise ?

PLUTUS.

Écoute donc, Mercure, je me trouve fort bien ici. Ces paysans font des vœux si modestes que j’aurai peu de peine à les contenter.

MERCURE.

Oui, le premier jour, parce qu’ils ne connaissent pas l’emploi des richesses ; mais ils seront bientôt dévorés d’une soif ardente, et ils te feront travailler comme un esclave !

PLUTUS.

S’ils ont soif, que Bacchus les désaltère ! Ils me demandent ce que je ne puis leur donner ; je ne suis pas chargé de la fécondité du sol. Je leur promettrai tout ce qu’ils voudront ; ils me nourriront, ils m’engraisseront, et je vivrai dans un doux repos.

MERCURE.

Mais songe donc que je ne puis souffrir cela ! Depuis hier que tu es absent de la cité, tout dépérit déjà. Les marchands voient leurs boutiques désertes. Les gros commerçans tremblent devant le spectre de la banqueroute assis à, leurs comptoirs. Les avocats ne veulent plus défendre leurs cliens, ni les médecins assister leurs malades ; les juges menacent de rendre des arrêts équitables, les courtisanes parlent de devenir vestales. On ne