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cette réaction. Fréron, le régicide, l’ancien terroriste, était le chef de cette jeunesse dorée qui demandait vengeance des crimes de la terreur, et dans laquelle on se tromperait beaucoup si l’on croyait voir quelque chose d’aristocratique. Bourdon de l’Oise, Legendre, André Dumont, Guffroy, leurs émules, avaient des antécédens analogues. Le nom de Marat était encore en honneur ; une des accusations sous lesquelles on avait renversé Robespierre, c’était celle de ne l’avoir pas assez honoré. Toutes les lois, toutes les doctrines du régime révolutionnaire étaient encore en vigueur et ne devaient se modifier, s’adoucir que peu à peu, bien lentement. Voilà quel était en réalité l’état de la France à la fin de 1794. Tels étaient les hommes qui la gouvernaient. On voit s’il est juste d’attribuer soit aux royalistes, soit aux vrais amis de la liberté, une part quelconque dans les excès de cette réaction. Le 9 thermidor, vainqueurs et vaincus étaient des jacobins entre lesquels les honnêtes gens hésitèrent un moment.

Je reviens à Joseph Le Bon. Bien que la convention eût ordonné à ses comités de lui faire le plus promptement possible un nouveau rapport sur les accusations dirigées contre lui, quatre mois après ce rapport n’était pas encore présenté. André Dumont, appuyé par Tallien, fit décréter qu’il le serait dans le délai de huit jours ; mais cette nouvelle prescription ne fut pas mieux observée que la première. Seulement, au bout d’un mois, les comités firent comparaître devant eux Le Bon, qu’ils n’avaient pas encore interrogé ; mais, après avoir entendu ses explications, ils se bornèrent à l’inviter à réclamer de la convention les papiers qu’on lui avait saisis, et qu’il considérait comme pouvant servir à sa justification. Il les réclama en effet, mais cette démarche n’eut aucune suite. Quelques semaines s’étant encore écoulées, et la commune de Cambrai ayant fait parvenir à la convention une nouvelle dénonciation contre lui, cette assemblée demanda que le rapport qu’elle attendait depuis si longtemps lui fût présenté dans trois jours. Il en fut de cette décision comme des précédentes. Évidemment les comités, soit qu’ils craignissent l’éclat que ne pouvait manquer de produire la discussion d’une affaire semblable, soit qu’ils fussent effrayés des progrès d’une réaction qui gagnait chaque jour du terrain, hésitaient à s’engager dans la voie qu’on leur avait indiquée.

Il survint un peu plus tard une circonstance qui aurait pu sauver la tête de Joseph Le Bon. Au nombre des députés arrêtés et qu’il s’agissait de mettre en jugement pour leur participation aux actes les plus odieux de la terreur se trouvaient quelques-uns des auteurs mêmes du 9 thermidor, Collot-d’Herbois, Billaud-Varennes, Barère. Le parti terroriste, sortant de son abattement, s’agitait pour les soustraire à l’action de la justice, et déjà une émeute formidable avait