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lancer chez tous; mais qu’est-il sorti de là politiquement? En Allemagne, la lèpre des cours et des chambellanies, comme dit M. Bignon; en Italie, l’infirmité des petites républiques; finalement l’invasion à main armée ou l’annexion par voie diplomatique. La maison d’Autriche s’est établie aux deux bouts de la péninsule italienne, et l’on sait que le traité de Lunéville réduisit à trente-trois toutes les petites indépendances germaniques.

Ce qu’on voit parmi nous pourrait donc bien avoir ses racines au plus profond de l’humanité et des conseils supérieurs qui la gouvernent. En tout cas, et sans remonter si haut, la centralisation n’est pas à déplorer, car, ainsi que nous l’avons montré, elle est un accroissement extra-légal des forces libres et individuelles non moins que des forces officielles, par où elle ne profite pas moins à l’essor des personnes et des choses privées qu’au déploiement de l’état.

Reste l’expérience à consulter. « Elle a parlé, nous dit-on, et partout elle nous montre la liberté des peuples appuyée non-seulement sur une déclaration des droits humains, mais sur quelque puissance naturelle ou traditionnelle en dehors de la puissance publique, notamment sur celle qui réside dans les localités. »

On s’expliquera ici en peu de mots sur l’exemple de l’Angleterre. Il n’y a pas là un pouvoir purement local, une force enracinée dans le territoire, inhérente au sol, topographique en quelque sorte. Cette notion est inadmissible. Le pays offre bien çà et là quelques fortes communes, mais à titre d’exception seulement. En Angleterre et dans le pays de Galles, ce qui gouverne quinze millions d’habitans sur dix-sept, pas moins que toute la population rurale, c’est l’aristocratie, c’est la caste des grands propriétaires sous le nom de juges de paix, avec des pouvoirs souverains de taxation, de justice, de police, de milice. Or ce gouvernement n’est pas local, d’abord parce que c’est celui d’une caste politique, ensuite parce que cette caste ne tient pas des localités, mais de la couronne, les attributions qu’on vient d’énumérer. Ainsi les pouvoirs locaux ne font pas la liberté britannique, soit parce qu’ils n’existent pas en ce pays avec une valeur et un ensemble capables de la produire, soit parce que cette liberté à toutes ses dates est un produit et une gestion aristocratique.

Mais enfin, direz-vous, il y a en Angleterre, par voie locale ou autrement, une sève et une puissance d’action individuelle qui éclatent sur tous les points... Cela ne se rencontre pas au même degré parmi nous, et cela n’est pas indifférent, quoi que vous en disiez. On pourrait même croire, en usant de votre critérium, c’est-à-dire en mesurant un pays à sa capitale, on pourrait croire dis-je, que