Tel est le langage des économistes et des politiques qui dédaignent la propriété coloniale.
Cette argumentation manque de justesse. De ce que l’on voit des nations atteindre au plus haut degré de la richesse et de la puissance sans posséder une seule colonie, il ne s’ensuit pas que la possession de colonies soit inutile. Tout ce qu’il semble permis d’en conclure, c’est que cette condition n’est point indispensable. Peut-être aussi serait-on autorisé à soutenir que la colonisation ne convient pas également à tous les peuples ; mais il n’en demeure pas moins certain que plusieurs nations de l’Europe sont en grande partie redevables de leur prospérité, de leur influence politique, à la situation favorable des territoires qu’elles occupent au-delà des mers. Se figure-t-on ce que serait l’Angleterre, si elle n’avait point de colonies ? Et la Hollande ! que deviendrait-elle sans Java ? Le mouvement industriel de la Grande-Bretagne et le commerce maritime de la Hollande eussent été étouffés dans leur germe, s’ils n’avaient pu s’étendre par-delà les étroites limites de l’Europe et trouver en Amérique et en Asie d’inépuisables ressources d’expansion. Otez à l’Angleterre cette pléiade de colonies que son génie éclaire et que sa loi gouverne à tous les points de l’horizon, et vous n’aurez plus l’empire, le vaste empire britannique. Enlevez à la Hollande le magnifique archipel qui rayonne dans les mers de la Malaisie, et il ne reste plus d’elle qu’un étroit morceau de terre européenne à demi noyé dans l’Océan. L’Espagne n’a jamais été si glorieuse qu’à l’époque où l’un de ses souverains pouvait dire orgueilleusement que le soleil ne se couchait jamais dans ses états, et aujourd’hui encore, bien que son domaine colonial soit très amoindri, la possession de Cuba et des Philippines suffit pour lui assurer une part d’influence dans les affaires du monde. Elle serait plus que mutilée, si elle venait à perdre Cuba. Quant à la France, jadis maîtresse du Canada, de Saint-Domingue, d’une partie de l’Inde, elle regrette amèrement la perte de ses anciennes colonies ; elle tente d’énergiques efforts pour fonder de nouveaux établissemens en Afrique et en Asie, et ce n’est point assurément pour une puérile satisfaction d’amour-propre que, portant ses vues et son ambition au-delà des horizons européens, elle aspire à se créer de lointains domaines et à compléter sa grandeur.
On oppose l’exemple des États-Unis et celui de l’Allemagne. Les États-Unis ont trop à faire sur leur propre sol pour songer, quant à présent, à s’épandre au dehors. Ils ont à peupler leurs solitudes du far-west et à mettre en valeur l’immense surface de territoire qui s’étend entre les deux océans. Ils se trouvent ainsi dans une situation particulière qui leur permet, qui leur commande même de ne