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la population. En d’autres termes, grâce à l’extrême mobilité du capital et à la facilité avec laquelle il franchit aujourd’hui toutes les frontières, on le voit s’accroître dans tel pays où l’émigration est très active, et on le voit diminuer dans tel autre pays où l’émigration est inconnue. C’est donc bien à tort que l’on a confondu dans le même raisonnement et dans le même anathème l’émigration des personnes et celle du capital : c’est une erreur surtout de penser que la seconde est nécessairement la conséquence de la première. Il y a là deux, faits très distincts, et, si l’on persistait à établir entre eux une relation, il serai plus rationnel de dire que c’est la rareté du capital qui provoque et précède l’émigration des personnes, en obligeant le travail à se porter vers les contrées qui sont plus abondamment pourvues des sources du salaire.

Quoi qu’il en soit, si certains esprits conservent quelque doute quant à l’influence favorable ou désavantageuse qu’exerce sur la prospérité d’un état l’émigration vers l’étranger, ce doute doit disparaître lorsque l’émigration a lieu d’une métropole à destination d’une colonie. Dans ce cas particulier, tout est profit pour la métropole. Il y a là pour elle, non point une diminution, mais un déplacement et une répartition meilleure de la population et du capital, ce qui doit amener une augmentation de richesse. L’émigrant qui s’établit dans une colonie ne cesse point d’appartenir au domaine national; directement ou indirectement, il continue à fournir sa quote-part au revenu de l’état : sur un autre sol et sous d’autres formes, il demeure contribuable en même temps que citoyen, et les fruits de son travail sur la terre lointaine viennent en accroissement des forces productives de la mère-patrie. Il n’est plus nécessaire de développer à cet égard une démonstration théorique : le capital emporté par le colon retourne à la métropole ; il lui est rendu avec usure par le moyen des échanges qui ne tardent pas à s’établir. L’industrie, le commerce, la marine du pays d’origine s’alimentent à ce nouveau foyer de production et de consommation qui s’ouvre au-delà de l’Océan. Par l’opération féconde de l’aisance et du bien-être, la population de la colonie s’accroît rapidement; les cultures s’étendent, les marchés s’élargissent. Sans doute il y a des exceptions : l’œuvre de la colonisation échoue lorsque le terrain a été mal choisi, et là, comme dans toute entreprise humaine, on observe quelquefois des désastres; mais en général, quand l’émigration des hommes et des capitaux a été abandonnée à son cours naturel, quand elle n’a point été déterminée ou précipitée par des excitations factices, et que par conséquent elle a pu se diriger vers les pays où l’attiraient les conditions les plus favorables, elle se traduit par les résultats que nous venons de signaler. Elle profite à la métropole