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Les stations militaires ne sont pour ainsi dire que des garnisons préposées à la police des mers au profit du peuple qui y a planté son drapeau. Stériles au point de vue de la production, très onéreuses pour le budget de la métropole, elles procurent à la nation qui les possède le double avantage de la sécurité commerciale et de l’influence. Pour ne pas rendre Malte, un rocher de la Méditerranée, l’Angleterre a violé le traité d’Amiens et rallumé la guerre dans toute l’Europe. Aucun sacrifice ne lui coûterait pour conserver Gibraltar, Aden, Hong-kong, Ces quelques arpens de terre, d’où elle surveille et commande les grandes routes de la mer et à l’abri desquelles pourraient au besoin se réfugier ses escadres, ont plus de prix à ses yeux que les plus florissantes colonies. L’Angleterre est la seule nation de l’Europe qui ait organisé, presque dans chaque océan, ce système de forteresses détachées, rayonnant sur toutes les zones commerciales du monde. Le gouvernement et la nation tiennent peu de compte des doléances qu’ont souvent suscitées les dépenses considérables de ces établissemens. Il y a là pour la Grande-Bretagne une nécessité de défense et un intérêt de prestige qui dominent toutes les objections financières. La France possédait autrefois, dans les colonies qu’elle a perdues, quelques-uns de ces points stratégiques qui assuraient et complétaient sa puissance maritime. Aujourd’hui malheureusement elle se voit presque désarmée sous ce rapport, et ce n’a pas été l’un des moindres soucis des gouvernemens qui se sont succédé depuis la restauration de chercher des stations nouvelles pour le salut ou le ravitaillement de ses escadres en cas de guerre. L’occupation de Saigon, sur la côte méridionale de la Cochinchine, a sans doute été déterminée principalement par l’intérêt politique et militaire. Quoi qu’il en soit, cette question des forteresses maritimes ne se rattache point nécessairement à la question coloniale, telle que l’ont étudiée les économistes, et nous n’avons point à nous y arrêter.

Il en est de même de ce que l’on désigne sous la dénomination de factoreries, de comptoirs commerciaux. Le génie colonisateur d’un peuple n’a point à se déployer dans ces escales restreintes où il ne s’opère qu’un échange quelquefois intermittent de marchandises avec les régions voisines, dont l’entière possession par la conquête serait ou peu avantageuse ou trop difficile. Les premiers comptoirs que le Portugal, l’Espagne, la France et l’Angleterre avaient établis sur la côte occidentale de l’Afrique étaient principalement alimentés par la traite des nègres : depuis que la traite a été supprimée, ils continuent à servir d’intermédiaires pour les relations de l’Europe avec les tribus de l’intérieur du continent, relations qui depuis quelques années ont acquis beaucoup d’importance, mais pour lesquelles il n’est point nécessaire d’entreprendre l’occu-