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les intérêts politiques et religieux dépassant les Alpes et embrassant le monde.

Ce que veut l’Italie dans cette lutte, ce qu’elle poursuit à travers les hasards d’une vie singulièrement agitée, c’est écrit en traits de feu dans son histoire depuis quatre ans, dans les actes de son parlement, dans les manifestations de sa diplomatie comme dans les témérités de ses chefs populaires, dans toute cette carrière si diverse qui va des retentissantes proclamations de Milan au dernier combat d’Aspromonte, où est tombé Garibaldi en expiation d’une impétuosité irréfléchie de patriotisme, d’un défi jeté à notre puissance. Ce qui est dans les traditions, dans les intérêts et dans la politique de la France, à part bien entendu les vaines sommations de la force, je le dirai aussi; mais que veulent ceux qui, interprètes éplorés ou irrités de toutes les choses plus qu’à demi vaincues, assiègent l’Italie de leurs protestations stériles, tournent en impossibilités contre elle les obstacles qu’ils lui suscitent, et s’épuisent en solutions pour éluder la seule vraie et inévitable, la seule qui s’impose désormais comme le moyen libéral de dénouer une question de liberté et d’indépendance? A quelle date et à quel ordre de combinaisons s’arrêtent-ils, — à la restauration du passé, à Villafranca, à Zurich, aux annexions restreintes, à l’Italie du nord, à la sanction de ce qui existe moins ce qui reste à faire, à l’unité moins ce qui l’affermit et la couronne, à une organisation fédérative moins les conditions qui auraient pu la faire vivre? Je cherche la vérité au milieu de toutes les contradictions qui survivent encore dans une sorte de trêve passagère laissée aux événemens et aux passions. De quelque façon qu’on juge tout ce qui s’est accompli depuis quelques années au-delà des Alpes, il est un fait éclatant comme le jour, c’est qu’une situation nouvelle a été créée. La guerre a donné la Lombardie au Piémont, la paix a valu à l’Italie une conquête bien plus précieuse encore, la liberté intérieure sous la sauvegarde du principe de non-intervention proclamé par la France; c’est le mouvement propagé avec une rapidité merveilleuse dans ces conditions d’une liberté nouvelle, c’est ce mouvement qui a fait l’unité par la dissolution de tous les pouvoirs en mésintelligence avec leur temps et avec leur pays, par la fusion ou l’étreinte de toutes les parties de la péninsule, — moins Venise, où l’Autriche est restée au nom d’un droit désormais précaire, réduit à vivre armé entre quatre forteresses, — moins Rome, où la France, par sa parole encore plus que par ses armes, reste la gardienne d’un grand problème religieux.

Cette situation, telle qu’elle est sortie des dernières crises italiennes, avec ce qu’elle a d’irrévocable et d’incomplet, ne s’appuie