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paraître ces autonomies, ces souverainetés, ces pouvoirs qui se sont fondus dans l’unité, et dont la résurrection est restée le mot d’ordre de toutes les velléités de réaction? Rien n’est en vérité plus simple : ils se sont évanouis encore plus qu’ils n’ont été renversés; ils sont tombés sans lutte, sans débat, sous le poids de leur propre faiblesse, bien plus que devant la sédition et la violence. Un souffle s’est élevé, et tout a été emporté. Qu’on se souvienne un instant : où était le duc de Modène lorsque la guerre éclatait? Il avait déjà passé dans le camp autrichien. A Florence, qu’arrive-t-il? Un jour, le 29 avril 1859, l’émotion remplit la ville à l’approche de la lutte qui va s’ouvrir en Lombardie; le grand-duc hésite, consulte tardivement quelques hommes libéraux, interroge sa petite armée, voit qu’il ne peut se défendre contre le mouvement universel, et peuple, bourgeoisie, soldats, tout se réunit pour voir passer sans outrage et sans regret cette famille de princes qui s’en va, laissant la Toscane à elle-même. Je n’ignore pas que cette maison de Lorraine a longtemps gouverné avec modération cette paisible Toscane au brillant passé, aux mœurs douces, où la peine de mort n’était pas même connue; mais elle s’était trop accoutumée à vivre de la protection étrangère, à peine déguisée sous une fiction d’indépendance.

Il y a pourtant dans ces événemens accomplis comme une justice secrète et une moralité supérieure qui se révèle. Voulez-vous savoir comment ces princes sont tombés pour ne plus se relever? C’est parce qu’en 1849, dans le feu des révolutions, rappelés spontanément par le peuple toscan à la condition de ne point invoquer l’Autriche et de maintenir le régime constitutionnel qui était leur œuvre, ils oubliaient, le lendemain de leur rentrée, ce qu’ils avaient promis, appelaient ou subissaient l’intervention autrichienne, et se hâtaient de supprimer toute constitution; c’est parce que dix ans après, en 1859, ils étaient dans le camp autrichien, attendant l’issue de Magenta et de Solferino pour rentrer en Toscane. C’est ce qui a fait leur chute si prompte et si irrévocable; c’est ce souvenir qui a fait l’annexion et l’unité. Et à Bologne en était-il autrement qu’à Florence? C’était peut-être encore plus soudain et plus significatif. L’occupation étrangère cessant le 14 juin 1859 dans des vues de stratégie, l’autorité pontificale n’avait pas même l’idée qu’elle pût tenir un instant, et c’est un ministre des affaires étrangères de France qui a porté ce jugement : « Les Autrichiens repassant le Pô, le pays s’appartenait entièrement à lui-même... Les populations de la Romagne se sont trouvées plutôt encore qu’elles ne se sont rendues indépendantes... » A Naples même, où la question devient pourtant plus grave, où il y avait une armée, un royaume de huit millions d’hommes, une autonomie ancienne, et réunissant toutes