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nous avons presque toujours dépensé le double depuis dix ans. Les autres nations viennent loin derrière nous dans cette voie ruineuse.

Cette différence entre les recettes et les dépenses conduit tout naturellement au chapitre des dettes publiques; le capital de la dette publique atteint les proportions suivantes dans les principaux états :


Royaume-uni 20 milliards 120 millions.
France 9 — 334 —
Autriche 5 — 670 —
Espagne 3 — 658 —
Russie 3 — 275 —
Italie 2 — 320 —

Ce tableau n’est déjà plus exact, au moins en ce qui concerne la France, — dont la dette s’accroît rapidement : le chiffre donné par M. Block s’applique à l’année 1860 ; mais dans les deux ans écoulés depuis cette époque le capital de la dette est arrivé à 10 milliards. M. Block a eu l’heureuse idée de compléter ce chapitre en montrant quel est le crédit des grands états, c’est-à-dire à quel taux ils trouvent à emprunter; il en résulte que l’Angleterre trouve à emprunter à 3 pour 100, tandis que la France doit payer 4 1/2 pour 100, la Russie 5 pour 100, l’Autriche 6 pour 100, l’Italie 7 pour 100, la Turquie 10 pour 100. Par suite de cette inégalité dans le taux de l’intérêt, des dettes très différentes en capital peuvent imposer aux nations qui les contractent un égal fardeau d’intérêts annuels; la Turquie par exemple aurait les mêmes intérêts à payer que l’Angleterre, avec une dette du tiers en capital, et la France, avec une dette égale à la moitié de la dette anglaise, doit payer les deux tiers en intérêts.

M. Block est d’ailleurs bien loin d’appartenir à cette funeste école qui mesure la richesse des nations à leur dette : les nations riches peuvent mieux que d’autres supporter une grosse dette ; mais il vaudrait cent fois mieux pour elles n’en point avoir. Qu’on se figure le budget français allégé des 500 millions dont le grève à perpétuité le service de la dette, quelles réductions possibles dans les impôts, et par suite quelle baisse dans les prix! Plus on augmente la dette d’un pays, plus on s’éloigne de la vie à bon marché. Depuis 1848, la dette publique a doublé en France, et les frais de production de toute chose ont haussé en proportion.

C’est donc à d’autres signes que M. Block demande la véritable mesure de la richesse des nations : il s’adresse aux seules sources de cette richesse, l’agriculture, l’industrie et le commerce; mais ici les difficultés de son sujet s’accroissent, car les évaluations eu ce genre présentent beaucoup d’incertitudes et d’obscurités. Il a dû nécessairement s’attacher à quelques faits généraux qui ne donnent qu’une idée approximative, mais qui suffisent à peu près pour le but qu’il a en vue.

Pour apprécier l’état agricole d’un pays, un fait domine tous les autres, c’est la densité de la population. Deux circonstances peuvent modifier les