Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la charité de la nation arménienne catholique à Constantinople; il s’adressa séparément aux plus riches, et recueillit, pour les apporter à ses ouailles, des sommes assez considérables. En y joignant sa fortune personnelle, qu’il consacra à cette même œuvre, il se trouva à la tête d’un capital qu’il employa à établir un séminaire. Jusque-là, ceux qui se destinaient à la prêtrise avaient dû aller à Constantinople, ou bien, sans sortir de chez eux, faire, sous la direction d’un prêtre du pays, des études nécessairement incomplètes et à peu près illusoires. De là un clergé dont beaucoup de membres, par l’instruction, ne s’élevaient guère au-dessus des clergés schismatiques arménien et grec. Mgr Chichmanian changea tout cela. Bientôt après son arrivée à Angora, il acquit une des plus vastes et des plus commodes maisons de la ville, et l’appropria à l’usage auquel il voulait l’employer : elle put, dès l’abord, recevoir une douzaine de jeunes gens, nombre qui depuis lors a toujours été atteint. Quelques années après, l’évêque acquérait encore, toujours à ses frais, une maison de campagne où le séminaire passe maintenant six mois de l’année. Le principal professeur, celui qui a formé de jeunes prêtres capables de lui succéder, est un homme fort intelligent, dom Gregorio Olas, qui a passé une dizaine d’années à Rome, au collège de la Propagande. Il était secondé par un autre prêtre, dom Pietro Chichmanian, qui avait aussi vu l’Italie.

Nous avons été admirablement accueillis par tout le séminaire, directeur, professeurs, élèves. Les jeunes prêtres qui y sont maintenant chargés de l’enseignement sont pleins de simplicité et de charme. Ils nous ont reçus avec une effusion de cœur et de brillans sourires qui montraient assez combien ils étaient heureux de voir des Français, et quelles sympathies nous étaient acquises dans cette lointaine contrée. Nous passâmes quelques jours auprès d’eux, dans la maison de campagne du séminaire, mangeant à leur table et vivant de leur vie. Pendant ce temps, je causai beaucoup avec les professeurs et les élèves, et je me fis rendre compte des travaux de ces jeunes gens, qui paraissent étudier avec goût et application. La langue qu’ils parlent entre eux dans l’intérieur du séminaire est l’arménien. Ce n’est pas que l’arménien puisse leur être utile pour les usages de la vie : personne, des Arméniens unis ou non unis, ne le sait et ne le parle à Angora; mais les Arméniens unis, à qui leurs frères dissidens reprochent volontiers d’avoir dépouillé les traditions nationales pour se faire Latins, tiennent à répondre à ce reproche : ils cultivent avec plus de soin que leurs rivaux la vieille langue de leurs pères; ils étudient avec amour et ils écrivent avec pureté l’arménien littéral ; ils parlent familièrement l’arménien vulgaire. Au reste, les mékitaristes, qui seuls ont empêché la langue